Le président salvadorien Nayib Bukele âgé d’à peine 40 ans mène depuis mars 2022 une guerre acharnée contre le crime organisé dont les organisations locales les plus puissantes sont les gangs Mara Salvatrucha (MS-13) et Barrio 18.

Les membres de ces organisations criminelles sont parmi les plus violents et cruels de la planète faisant presque passer les jihadistes de Daech pour presque des enfants de chœur.  Ils sont si appréciés pour leurs talents de « Sicarios » qu’ils sont souvent recrutés par les puissants cartels latino-américains.

Les adversaires politiques de Bukele qui sont nombreux mais minoritaires dans le pays depuis les élections législatives de 2021 lui reprochent sa fermeté actuelle avançant le fait que dans sa carrière – en particulier comme maire de la capitale -, il avait conclu des accords secrets avec les gangs afin de pouvoir gouverner en toute tranquillité. Il a toujours nié cette critique qui n’est fondée sur aucune preuve évidente (ce qui aurait causé sa mise en examen juridique).

En fait, les partis traditionnels lui reprochent surtout d’avoir bouleversé la situation politique à son profit en négligeant les clivages traditionnels. Ni de droite, ni de gauche, il est sorti de l’opposition des deux grands partis historiques, l’Arena (Alliance républicaine nationaliste) à droite et FMLN (Front Farabundo Marti de libération nationale) à gauche. Pour ce faire, il a créé le Parti Nouvelles Idées (N ou NI) dirigé par son cousin Xavier Zablah Bukele. En effet, il joue surtout sur des discours enflammés sur la lutte contre la corruption et la criminalité qui lui valent un niveau de popularité record (environ 80% d’opinions favorables).

À la suite de sa victoire écrasante aux législatives de 2021, il a pris des décisions considérées interprétées comme une dérive autoritaire : les membres de la Cour suprême et le procureur général ont été révoqués et remplacés par ses fidèles, les juges âgés de plus de soixante ans ont été mis à la retraite, la commission anti-corruption mise en place par l’Organisation des Etats américains a été est dissoute, des anciens ministres ont été arrêtés et la Constitution a été amendée afin de lui permettre d’effectuer plusieurs mandats consécutifs. Pire, il s’est lui-même qualifié de « dictateur le plus cool du monde ».

Il avait d’abord rencontré les suffrages de la Maison-Blanche en rompant peu après son investiture en 2019 les relations diplomatiques avec le Venezuela. Mais la lune de miel s’est terminé en 2021 suite au rapprochement du Salvador avec la Chine qui – entre autres – a fourni rapidement des vaccins anti-Covid-19. Washington a répondu en publiant une liste de « fonctionnaires salvadoriens corrompus » appartenant à l’entourage de Nayib Bukele.

Depuis ce retournement américain, toutes ses actions – en particulier sécuritaires – attirent étrangement la ire d’Amnesty International qui l’accuse d’un retour aux années les plus sombres de l’Amérique latine de d’atteinte aux Droits humains.

Aoutefois, face à la guerre menée par les organisations criminelles latino-américaines depuis des dizaines d’années, le président Bukele semble avoir adopté une nouvelle attitude très offensive.

Ainsi, en cinq mois, 50.000 personnes ont été arrêtées. Le directeur de la police nationale civile, Mauricio Arriaza a annoncé le 16 août : « nous avons atteint le chiffre de 50.000 personnes arrêtées pendant le régime de l’état d’exception » » et 1.283 armes à feu et plus d’un million de dollars auraient été saisis.

L’état d’exception avait été adopté fin mars après une vague de violences qui avait causé la mort de 87 personnes. Il est prorogé mois après mois par le parlement où le parti du président a la majorité absolue. Cela permet Notamment à la police de procéder à des arrestations sans mandat,

Au total, quelque 66.000 membres présumés des « maras » dont les plus importantes sont le MS-13 et le Barrio 18, sont actuellement incarcérés au Salvador, en comptant les 16.000 déjà détenus avant l’état d’exception.

Pour faire face à cette hausse de la population carcérale qui est le casse-tête de tout ministère de la justice, il a été décidé de construire d’une gigantesque prison de 40.000 places dans le centre du pays qui devrait être opérationnel à la fin de l’année.

D’autres gouvernants latino-américains ont tenté par le passé la manière forte pour s’opposer à la criminalité endémique. Ils ont rencontré que des succès mitigés. L’avenir dira si l’initiative du président salvadorien aura des suites efficaces. Dans ce cas, son exemple pourrait être suivi par d’autres.

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Texte

Alain Rodier

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