Le président salvadorien Nayib Bukele avait promis d’ouvrir une « méga-prison » de 40.000 places(1). Le « centre de confinement du terrorisme» a été inauguré le 31 janvier 2023 avec quelques semaines de retard. Elle va permettre de desserrer les quelques 65. 000 détenus que compte l’administration pénitentiaire salvadorienne.

En 2021, le Salvador comptait 20 centres de détention n’avaient qu’une capacité de 30.000 places. La plus importante prison, celle de La Esperanza comptait 33.000 détenus pour 10.000 places.
Avec près de 2% de la population adulte derrière les barreaux, le Salvador a le taux mondial d’individus incarcérés le plus élevé mondialement.

Cette « plus grande prison d’Amérique latine » a été construite en un temps record dans une zone rurale isolée proche de Tecoluca du département de San Vicente à 74 kilomètres au Sud-Est de la capitale San Salvador.

Elle s’étend sur 166 hectares qui abritent des bâtiments d’environ 23.000 m2. L’établissement est entouré d’un mur de 11 mètres de haut avec sept miradors. Les murs sont en béton renforcé et les fenêtres des cellules sont barreaudées tandis que des caméras et des scanners corporels complètent la sécurité du pénitencier qui sera gardé par 600 militaires et 250 policiers. Des brouilleurs électroniques bloqueront les signaux des téléphones portables, empêchant toute communication vers l’extérieur.

Les détenus seront placés sous le statut des travaux forcés.

Jusqu’à maintenant, dans les prisons salvadoriennes comme plus généralement dans celles d’Amérique latine, les détenus les plus puissants ont de nombreux avantages : accès à des prostituées, à des PlayStation, aux téléphones portables et à des ordinateurs. Les gardiens sont, soit corrompus, soit ont peur pour leur vie et celle de leur familles. Les caïds y sont même plus en sécurité qu’à l’extérieur sauf lorsqu’une émeute s’installe à l’intérieur. Elle est généralement le fait d’une guerre des gangs dont les plus importants tiennent des quartiers entiers des établissements pénitentiaires. Ces révoltes se transforment généralement en tueries que les autorités ont du mal à faire cesser. Tout est fait pour que cela n’arrive pas dans cette nouvelle « méga-prison ».

Un état d’exception qui permet aux autorités de détenir des suspects sans ordonnance juridique a été approuvé fin mars 2022 par le Congrès suite à un déferlement de violences – notamment dans les établissements pénitentiaires – qui avait fait 87 morts entre le 25 et le 27 mars. Cette mesure a été revotée au début de l’année.
Depuis, les arrestations se multiplient. Cette politique répressive semble commencer à porter ses fruits. D’après les Nations Unies, le nombre d’homicides par habitant au Salvador – qui pendant longtemps était le plus élevé au monde hors pays en guerre – a chuté ces derniers mois. Il est vrai que cela avait déjà lieu avant l’élection du président Nayib Bukele en 2019 mais le chiffre est passé de 38 pour 100.000 habitants (en 2019) à 7,8 en 2022.

Pour l’instant, la popularité du président Nayib Bukele semble perdurer malgré les nombreuses attaques dont il fait l’objet de la part des ONG qui affirment défendre les droits humains. Il faut reconnaître que la violence et la cruauté des bandes criminelles salvadoriennes n’ont pour ainsi dire pas d’égales. C’est pour cette raison que de nombreux « marenos » sont recrutés comme « sicarios » (tueurs) par les cartels latino-américains.

Toutefois, quelques opposant ont déclaré à la presse : « il n’y a pas de quoi en être fier […] Au lieu de construire des prisons modernes dont l’objectif premier serait l’éducation et la réhabilitation des détenus, Nayib Bukele a ordonné la construction d’un bâtiment monstrueux symbolisant la répression ».
Ce qui est certain, c’est que le président applique en matière de sécurité le dicton populaire : « quand on veut, on peut ». Il faudra voir sur le temps long si sa volonté est couronnée de succès ou pas.

1. Voir : « SALVADOR : lutte acharnée contre les Maras » du 18 août 2022.
2. Voir : « Le Salvador reproduit le modèle de la ‘bataille d’Alger’ » du 5 décembre 2022.

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Texte

Alain Rodier

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