Sur un plan tactique, il semble que pour mener sa guerre contre les gangs qui pullulent au Salvador, le pouvoir renouvelle les méthodes de la bataille d’Alger de 1957.

Le colonel Roger Trinquier et le général Paul Aussaresses qui furent des acteurs centraux de cette bataille ont en effet eu beaucoup d’influence par leurs écrits (et par leur participation pour Aussaresses) à la formation de générations d’officiers en Amérique latine.

Le 3 décembre, quelques 10.000 membres des forces de sécurité salvadoriennes ont mené une opération contre les gangs dans la ville de Soyapango (qui compte quelques 258.000 habitants) située à une dizaine de kilomètres à l’est de San Salvador. Le président Nayib Bukele a écrit sur son compte Twitter : « À partir de maintenant, la commune de Soyapango est totalement encerclée. 8.500 soldats et 1.500 agents ont cerné la ville ». Toutefois, il a pris soin de préciser : « les citoyens n’ont rien à craindre et peuvent poursuivre leurs activités en toute tranquillité. Cette opération est lancée contre les criminels et non pas contre les citoyens honnêtes ».
Soyapango est considérée depuis des années comme une ville peu sûre en raison de la présence des gangs.

Le président avait bien annoncé le 23 novembre que des localités seraient encerclées afin que les militaires puissent les passer au peigne fin et procéder à l’arrestation de membres de gangs. Après Comasagua en octobre qui avait conduit à l’arrestation d’une cinquantaine de suspects, Soyapango est la deuxième ville où cette procédure est appliquée. Cela entre dans le cadre de l’état d’urgence décrété en mars 2022(1).

Les gangs qui l’on surnomme les « maras » contrôlent depuis des années des villages et des quartiers entiers de grandes villes au Salvador, mais aussi dans les pays voisins comme au Guatemala et au Honduras. Ils sont impliqués dans le racket, les trafics en tous genres dont le plus lucratif est celui de la drogue. Les gangs s’affrontent régulièrement pour le contrôle de « territoires » et les pertes collatérales sont nombreuses.

Après 48 h 00 d’intervention, le ministre de la Justice et la Sécurité, Gustavo Villatoro, a annoncé que « 140 membres des gangs avaient pu être arrêtés ».

Son confrère ministre de la Défense, René Merino Monroy, a précisé que des véhicules militaires et de police parcouraient les rues, tandis que des drones survolaient la zone à la recherche de membres des gangs. Quarante points de contrôle ont été mis en place dans la ville intramuros.

Quelque 80.000 membres présumés de bandes criminelles ont été arrêtés au Salvador depuis la proclamation fin mars par le président Bukele de l’état d’urgence. Pour faire face à cette hausse de la population carcérale, il a été décidé de construire un gigantesque péniencier de 40.000 places dans le centre du pays qui doit être opérationnel d’ici la fin du mois de décembre.

Instauré fin mars après une vague de 87 assassinats attribués aux Maras, l’état d’urgence permet des arrestations sans mandat, soulevant les critiques d’organisations de défense des droits humains. Il a été prolongé par le Congrès jusqu’à la mi-décembre mais sera vraisemblablement prorogé en 2023.

Selon un sondage de l’Université centraméricaine (UCA), les Salvadoriens sont 75,9% à soutenir l’état d’urgence et neuf sur dix estiment que la délinquance a baissé suite à son établissement.
Enfin, selon la maire de Soyapango, Nercy Montano, les mesures appliquées par le gouvernement Bukele ont pour résultat « une énorme amélioration de la sécurité ».

1. Voir : « SALVADOR : lutte acharnée contre les Maras » du 18 août 2022.

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Texte

Alain Rodier

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