L'ancien président salvadorien Mauricio Funes a été condamné par contumace à quatorze années d’emprisonnement pour avoir négocié avec des gangs Maras et autres groupes criminels. Il a été reconnu coupable d'avoir entretenu des liens avec des groupes criminels pour lesquels il a été écopé de huit ans de prison. Les six ans supplémentaires sont dus à un « manquement au devoir ».

En 2012 et 2014, le gouvernement du Salvador sous la direction du président Funes avait négocié un accord avec les redoutables gangs Mara Salvatrucha, Barrio 18 et autres groupes criminels. L’objectif était de réduire le nombre d’homicides.

Cela avait effectivement entraîné une baisse des violences, phénomène qui avait été reconnu par l’Organisation des États américains (OEA) dont le secrétaire général de l’époque, José Miguel Insulza, avait déclaré que l’organisation qu’il présidait serait la garante de l’accord.

Mais cela avait aussi permis aux gangs de se renforcer économiquement et de mieux s’implanter dans le pays.

Des investissements publics avaient eu lieu dans les quartiers contrôlés par les gangs, des avantages avaient été accordés aux prisonniers membres desdits gangs et la présence policière avait diminué dans les zones infestées de Maras.

En 2016, Funes avait nié ces accusations mais s’était réfugié au Nicaragua, où il bénéficie de la protection du président Daniel Ortega. La nationalité nicaraguayenne lui avait même été accordée.

Le Salvador a modifié ses lois en 2022 afin de permettre de juger des prévenus par contumace. La justice a annoncé que sept intermédiaires de la trêve entre Funes et les  Maras avaient été arrêtés et condamnés de deux à trois ans de prison.

Dans un message sur Twitter, l’ancien président a affirmé qu’il s’agissait « d’une condamnation injuste sans aucune preuve ».

La condamnation de Funes intervient à un moment critique au Salvador. Le président Nayib Bukele a lancé une guerre intense contre les gangs(1), qui a conduit jusqu’à présent à 68 000 arrestations (dont au moins 5 000 ont été libérées).

Le gouvernement de Bukele maintient l’état d’exception depuis le 27 mars 2022, en réponse à la violence des gangs. La mesure a été adoptée après que le MS-13 et le Barrio 18 aient organisé un massacre qui a fait 87 morts en un seul week-end. Selon des enquêtes journalistiques, ce massacre serait dû à une rupture du pacte que Bukele avait conclu avec les gangs depuis le début de son administration.

L’ONG religieuse évangélique Cristosal qui se dit la principale gardienne des droits humains au Salvador (mais au minimum très influencée par les USA qui sont actuellement en délicatesse avec le pouvoir salvadorien), a publié début juin un rapport dénonçant les conditions infernales dans les prisons du président Bukele. Dans son rapport, Cristosal documente 153 décès de détenus en garde à vue entre mars 2022 et mars 2023. Parmi ceux-ci, 29 sont morts violemment et 46 autres par « mort violente probable » ou par crime présumé. Malheureusement, le nombre pourrait être plus élevé, car certains des cas ont été signalés après le 23 mars de cette année et n’ont pas été inclus dans ce décompte. Parmi ces 75 cas, l’enquête pointe comme « schéma commun » la présence de lacérations, d’hématomes provoqués par des coups, de blessures avec des objets tranchants, et de signes d’étouffement ou d’étranglement. Selon le rapport, la mort par asphyxie mécanique est l’une des causes de décès « les plus fréquentes » décrites dans les rapports médico-légaux. Le rapport comprend également des histoires abominables d’anciens détenus qui sont restés incarcérés pendant des mois avant d’être finalement déclarés innocents et libérés.

Cela dit, le taux d’homicides a chuté de 56,8 % depuis la promulgation des pouvoirs d’urgence en 2022. La population reste majoritairement favorable à la politique menée par le président salvadorien. Sans excuser les excès parfois dramatiques des forces de l’ordre salvadoriennes, il convient de se rappeler que les membres des Maras sont connus pour être parmi les criminels les plus cruels de la planète : tortures, démembrements et décapitations « in vivo », assassinats de femmes et d’enfants (même pour les hommes cela n’est en rien excusable) sont leur quotidien.

1. Voir : « SALVADOR : baisse drastique du taux de criminalité » du 15 mars 2023.

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Texte

Alain Rodier