Le Front de la Liberté d’Afghanistan ( Afghanistan Freedom Front, AFF), un important groupe armé d’opposition aux talibans créé en mars 2022 et théoriquement dirigé depuis l’étranger par le général Yasin Zia, un ancien ministre de la défense et chef d’état-major, a confirmé que six de ses combattants, dont le responsable Basir Andarabi, avaient trouvé la mort lors de combats menés contre les talibans à la mi-avril.

Andarabi était, jusqu’à la prise de Kaboul par la talibans en août 2021, le chef des commandos des forces afghanes.
L’AFF a aussi affirmé que plus de 30 combattants talibans avaient également été tués dans de violents combats contre ses forces dans la région méridionale de Salang au cours des trois derniers jours (9, 10 et 11 avril).

Cette déclaration a été faite après que le que le ministère de la Défense des talibans ait annoncé le 12 avril que ses forces avaient tué sept « rebelles » dont leur chef Akmal Ameer lors d’une opération menée dans la vallée de Kokalami du district de Salang dans la province de Parwan. L’ex-Brigadier général Ameer était le dernier officier de ce rang encore présent en Afghanistan.
Mais son décès n’a pas été confirmé par l’AFF qui affirme que son sort restait inconnu.

D’autres sources signalent que sept activistes, dont Ameer, ont bien été tués lors d’une embuscade menée par les talibans le 11 avril alors qu’ils tentaient de quitter la région de Salang pour le district de Shutal dans la province voisine du Panchir.

Cette action a été suivie à Kaboul par une large couverture médiatique étatique. Parallèlement, des condoléances ont été envoyées par d’anciens responsables gouvernementaux et par le chef du Front de Résistance Nationale ( National Resistance Front, NRF) d’Ahmad Massoud, le fils aîné de feu le commandant Ahmad Chah Massoud « le lion du Panchir » assassiné en 2001 par Al-Qaida.

Depuis la chute de Kaboul, plusieurs milices se sont progressivement formées et ont mené des actions de guérilla contre les forces talibanes dans diverses régions du pays.
Le Mouvement de Libération et National d’Afghanistan serait la seule formation pachtoune d’opposition armée dirigée par un ancien cadre des forces spéciales afghanes, Abdul Mateen Sulaimankhail. Ce groupe serait présent dans 26 des 34 provinces d’Afghanistan.

En plus de l’AFF et de la NRF, d’autres petits groupes sont apparus dernièrement dont le Jabhe Milli Azadagan (le front national des libérateurs), le Corps de la liberté, le Front de libération de l’Afghanistan, les soldats du Harizistan, le Front pour la Démocratie et la liberté…
Le chef de la NRF, Ahmad Massoud, a déclaré que la perte des deux commandants mettait en évidence la nécessité de créer un centre de commandement coordonné et unifié pour toutes les forces anti-talibanes : « J’espère que les efforts en cours nous amèneront bientôt à mobiliser toutes les forces anti-talibanes sous un large parapluie. »

Il convient de ne pas se faire trop d’illusions. Les talibans tiennent mieux le pays qu’en 2001 même si la représentation locale de Daech via sa wilayat Khorasan mène des actions suicide jusqu’au cœur de la capitale. Surtout, l’opposition armée ne bénéficie pas de l’aide matérielle et financière comme celle qu’elle avait reçu lors des années de guerre contre les Soviétiques (puis encore notablement durant les années qui ont suivi son départ en 1989).

Pour le moment, les mouvements anti-talibans sont bien seuls et ne peuvent pas trop compter sur le voisin pakistanais pour leur servir de base arrière. En effet, Islamabad considère que les talibans qui gouvernent à Kaboul sont globalement de « bons talibans » (même si des incidents sporadiques de frontière surviennent de temps en temps. Les « mauvais talibans » sont ceux qui veulent renverser le pouvoir pakistanais : le Tehrik-e-Taliban Pakistan (TTP ; Mouvement des Talibans du Pakistan)…
Il convient de se rappeler qu’il est de tradition dans la région de jouer des double-jeux, en particulier pour les services spéciaux pakistanais (Direction pour le renseignement inter-services ou Inter-Services Intelligence, ISI) qui eux-mêmes sont partagés en courants d’influence.

Cela dit, les groupes d’opposition armés, certes morcelés, sont présents dans les provinces suivantes : Badakhshan, Baghlan, Kandahar, Parwan, Takhar, Laghman, Samangan, Kandahar; Sar-e-Pul, Nuristan, Faryab et Kaboul.

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Texte

Alain Rodier

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