Hossein Taeb, le chef de l’Organisation du renseignement du Corps de Gardiens de la Révolution Islamique (Islamic Revolutionary Guard Corps Intelligence Organization – IRGC -IO -) a quitté son poste à la mi-juin. L’annonce en a été faite le 21 juin par le porte-parole des pasdarans, Ramezan Sharif. Il a été remplacé par Mohammad Kazemi, le chef l’Organisation de renseignement de protection, le contre-espionnage des Gardiens de la Révolution.

Âgé de 59 ans, Taeb est un religieux a commandé à partir de 2007 les forces paramilitaires bassidjies avant de rejoindre en 2009 le ministère iranien du renseignement (Intelligence Ministry – MOIS – ou Vaja ex-Vevak). Il a pris ses fonctions au sein des pasdarans au début des années 2000 et a présidé à la création du service de renseignement (Intelligence Organisation – IRGC-IO -) qui était surtout chargé du renseignement intérieur. Il a pris de l’importance en absorbant le Directorat du renseignement stratégique (Strategic Intelligence Directorate – IRGC-SID -) ce qui lui a donné une compétence à l’extérieur de l’Iran(1).
Taeb a été nommé « conseiller » du commandant en chef des pasdarans, Hossein Salami, qui en a déjà plusieurs autour de lui. À l’évidence, il s’agit d’une disgrâce mais aucune raison n’a été avancée à cette mutation. Des rumeurs de sa mise à pied courraient deux jours avant l’annonce officielle de son départ.

Son remplacement survient quelques jours après qu’Israël et la Turquie aient accusé Téhéran d’avoir fomenté des tentatives d’assassinat ou d’enlèvement de touristes israéliens en Turquie. En effet, le 15 juin, la police turque a appréhendé à Istanbul sept Iraniens et saisi deux pistolets semi-automatiques et deux silencieux.
Le ministre des Affaires étrangères, Yair Lapid, en visite officielle en Turquie le 23 juin à l’invitation de son homologue Mevlut Cavusoglu, a remercié Ankara pour son action particulièrement efficace. Cavusoglu a répondu que la Turquie ne pouvait pas tolérer de tels agissements sur son sol et a assuré que les démarches nécessaires avaient été entreprises (vers Téhéran).

Il est possible que Taeb ait voulu répondre à la série de disparitions tragiques au sein de scientifiques et d’officiers des pasdarans. Même si Téhéran n’impute pas toutes ces actions au Mossad, l’État hébreu est fortement soupçonné en être à l’origine.

Une cour de justice iranienne a condamné en juin les États-Unis à payer 4,3 milliards de dollars à titre de compensations aux familles des responsables iraniens assassinés ces dernières années, Washington ayant « aidé » l’État hébreu à commettre ces opérations « homo ». Il est évident qu’il n’y aura aucune suite à ces jugements.

La goutte qui aurait fait déborder le vase du côté iranien serait l’assassinat le 22 mai à Téhéran du colonel Hassan Sayad Khodayari de la force al-Qods(2).
Curieusement, un de ses collègues au sein de la même unité, le colonel Ali Esmailzadeh, est décédé vraisemblablement fin mai lors d’un « incident dans sa résidence » à Karaj, ville située à 35 kilomètres au nord-ouest de la capitale. Il serait tombé du toit ou du balcon de son appartement… L’opposition iranienne en exil avance l’hypothèse qu’Ali Esmailzadeh était soupçonné d’avoir donné aux services israéliens des renseignements ayant permis la localisation puis la neutralisation de Khodayari. Il l’aurait payé de sa vie car, au sein des services iraniens, il n’est pas question d’étaler les problèmes sur la place publique. Un procès aurait fait désordre. Téhéran a laissé filtrer une autre version faisant état d’un suicide, Esmailzadeh n’ayant pas supporté que sa femme le quitte.

Tout observateur peut constater que le service de renseignement (et d’action) des pasdarans n’a pas enregistré de « succès » notable dans la guerre secrète menée contre Israël. Il n’a pas été capable de contrer les nombreuses opérations conduites jusqu’au cœur de l’Iran par le Mossad. À l’extérieur, le résultat semble également avoir été très peu satisfaisant toutes les tentatives d’action ayant échoué (Chypre, Turquie, France, etc.). Taeb s’est révélé être incompétent et le paye aujourd’hui. Les autorités iraniennes ont mis du temps à s’en rendre compte et à prendre les décisions qui s’imposaient. Le statut de « religieux » de Taeb a peut-être joué. Il n’est pas certain que son remplaçant fera beaucoup mieux. Un indice cependant, avoir nommé à la tête de l’IRGC-IO le responsable du contre-espionnage surtout actif à l’intérieur laisse à penser que l’effort va être porté dans cette direction.

1. Il y a une rivalité certaine entre le MOIS et l’IRGC-IO.
2. Voir : « IRAN : un officier de la force al-Qods assassiné à Téhéran » du 24 mai 2022.

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Texte

Alain Rodier

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