Le Service de sécurité d’Ukraine (SBU, héritier du KGB) a ouvert une enquête après les accusations proférées par le président Volodymyr Zelensky à la fin novembre disant qu’un coup d’État devait se dérouler le 1er et 2 décembre afin de prendre les rênes du pouvoir à Kiev.

Le SBU a ouvert une enquête préliminaire concernant : la préparation par « certains citoyens d’Ukraine et de Russie » de mener des « actions visant à s’emparer du pouvoir ».

Zelensky a particulièrement accusé Rinat Akhmetov, l’opposant politique et l’homme d’affaire le plus riche du pays, de faire partie du complot. Le SBU détiendrait des enregistrements de conversations entre les comploteurs où le nom d’Akhmetov serait cité. L’organisation de ce coup d’État coûterait un milliard de dollars… L’intéressé a immédiatement démenti ces allégations et le Kremlin a nié avoir tout lien avec cette affaire.

Depuis des mois, Zelensky s’en prend aux medias qui ne lui sont pas favorables et à l’opposition politique. Ainsi, Viktor Medvedchuk, le leader du plus important parti d’opposition au parlement a arrêté pour haute trahison. Les chaînes de télévision Ukrainian 112, ZIK (sur le net) ont été bloquées et le site populaire Strana interdit.

Il faut dire que la position du jeune président est fragilisée par la situation économique catastrophique à laquelle il est confronté. Dernier coup dur, selon la société ukrainienne Naftogaz la Russie via Gazprom n’envisagerait pas de renouveler le contrat de transit de gaz à destination de l’Europe à son échéance en 2024. Il semble que Moscou compte surtout sur l’exploitation de Nord Stream 2 vers l’Allemagne qui devrait être certifié en 2022 pour transférer son gaz. Zelensky a affirmé que cela retirerait une recette de trois milliards de dollars/an et,que dans ce cas, il ne parviendrait plus à financer son armée. Les chiffres avancés sont exagérés car l’Ukraine ne touche pour l’instant que 2,5 milliards de dollars par an et cela devrait tomber très bientôt à 1,2 milliard de dollars. Faisant feu de tous bois à la poursuite de financements, le président affirme que l’Allemagne n’a pas fini de payer les dommages de guerre qu’elle a occasionné à l’Ukraine au siècle dernier. Cela lui permet aussi de montrer tout le mal qu’il pense de l’attitude de Berlin dans le projet Nord Stream 2 qui s’est réalisé contre l’opposition de Washington.

Plus globalement, l’OTAN et la Russie jouent à se faire peur en jouant des muscles et en se menaçant l’un l’autre de mesures coercitives si un incident se produit ce qui, dans la situation explosive actuelle, est tout à fait possible. Il sera juste intéressant de savoir qui a « tiré le premier » et s’il ne s’agit pas d’une provocation destinée à mettre le feu aux poudres.

Le général Sir Nick Carter, le chef d’état major britannique descendant (remplacé par l’amiral Sir Tony Radakin) lors de sa dernière interview à CNN à la mi-novembre a déclaré qu’il craignait plus aujourd’hui le déclenchement d’un conflit accidentel avec la Russie que durant la Guerre froide en raison de la multiplication des acteurs aux objectifs différents.

À noter que la Russie aurait effectivement prépositionné des unités blindées à proximité de la frontière ukrainienne, ce qui permet au président Zelensky de réclamer la présence de troupes étrangères sur son sol. Il convient de souligner que le souhait le plus cher de Zelensky est de rejoindre l’Union européenne et l’OTAN ce qui constituerait une « assurance vie » pour l’Ukraine.
Il faut se rappeler que Moscou reproche à Kiev de ne pas respecter les termes de l’accord de Minsk accordant temporairement l’autonomie locale des régions de Donestk et de Lougansk. En effet, les Ukrainiens ne veulent pas de cet accord signé par l’ancien président Petro Porochenko alors que l’armée ukrainienne était en position de faiblesse. Toutefois, des négociations discrètes seraient en préparation pour tenter de débloquer la situation.

La réunion annuelle des ministres de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) dont les États-Unis et la Russie sont tous deux membres, va se tenir en fin de semaine à Stockholm en présence du secrétaire d’État américain Anthony Blinken et du ministre russe des Affaire étrangères, Sergueï Lavrov. C’est la première fois depuis 2017 que les représentants américain et russe seront présents ensembles à cette réunion.

Mais, par ailleurs, les Américains et les Russes semblent renouer avec la course aux armements, le président Poutine ayant annoncé le 30 novembre l’essai d’armes hypersoniques (le Zirkon) tirées depuis des navires de surface et de sous-marins pouvant évoluer à Mach 9(1). Pour lui, c’est la réponse nécessaire aux « actions occidentales ». Ces armes devraient être livrées à la marine russe à partir de 2022. Plus inquiétant, il a sommé les Occidentaux de ne pas « franchir la ligne rouge » en Ukraine, en particulier en délivrant des armements sophistiqués (Kiev aurait reçu des missiles anti-chars américains Javelin). Bien sûr, il n’a pas défini où se situait exactement cette « ligne rouge ».

Une intense guerre diplomatique se livre également, chaque partie expulsant nombre de diplomates en poste dans leurs pays respectifs. En 2022, 55 diplomates russes devront avoir quitté les États-Unis car une nouvelle loi impose un séjour maximum de trois ans (cinq ans pour les autres nationalités). En théorie, ces diplomates peuvent être remplacés. Il n’empêche que les représentations diplomatiques des deux pays fonctionnent avec un personnel insuffisant en nombre pour assurer le travail quotidien comme la délivrance de visas.
Enfin et peut-être la plus importante aujourd’hui, la guerre médiatique qui est menée entre les « Atlantistes » et les « pro-Kremlin ». La désinformation est partout prolongée par des déclarations orientées des uns et des autres. Chaque camp se présente comme la « victime » des intentions malignes de l’adversaire. Au minimum, le climat est malsain et peut amener à des dérapages incontrôlés.

1. Voir : « Missile russe hypersonique, la fin des groupes aéronavals ? » du 13 octobre 2021.

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Texte

Alain Rodier

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