Depuis des années, Moscou s’ingénie à dévoiler de nouveaux armements ultramodernes qui doivent faire pencher le sort dans son camp en cas de conflit à haute intensité. Dans le domaine naval, c’est le missile mer-mer 3M22 Zircon tiré depuis un sous-marin (voire un navire de surface) qui pourrait marquer le début de la fin des groupes aéronavals tels qu’ils sont conçus depuis la Seconde Guerre mondiale.

À savoir que la Russie a fait un battage important – vidéos à l’appui – autour de deux tirs de missiles mer-mer Zircon à partir d’un sous-marin à propulsion nucléaire de classe Yasen K-560 Severodvinsk croisant en mer Blanche au nord-ouest de la Russie. Le premier avait eu lieu en juillet le submersible étant en surface, le second s’est déroulé au début octobre alors que le sous-marin était en plongée à une quarantaine de mètres de profondeur. À chaque fois la cible située en surface dans la mer de Barents a été atteinte avec succès. D’autres essais devraient encore avoir lieu cette année avant la certification de cet armement.

Ce missile d’une dizaine de mètres de long conçu par le bureau de recherche NPO Mashinostroyeniya basé à Reutov peut emporter une charge utile de 300 à 400 kilos à une distance allant de 400 à 1.000 kilomètres. Il évolue à une altitude de 30 à 40 kilomètres où il peut atteindre la vitesse de Mach-7 / Mach-8.

Au départ, la défense russe envisageait d’utiliser ses sous-marins Projet 949 Granit et Projet 949A Anteï armés de missiles P-700 Granit, des intercepteurs MiG-31K emportant un missile air-sol Kh-47M2 Kinjal, des bombardiers à long rayon d’action Tu-22M3 chargé de missiles X-22 et des Tu-22M3M équipés de quatre missiles X-32 contre les porte-avions ennemis. Mais les experts pensent que la défense anti-aérienne adverse (US) peut très bien intercepter dans des conditions correctes ces armes relativement anciennes.

Lors d’une guerre de haute intensité, la vitesse exceptionnelle associée avec une faible signature radar du missile Zircon lui confèrent une efficacité théorique inégalée. Les meilleures défenses anti-aériennes américaines actuelles sont centrées autour des missiles Raytheon SM-6 (SM-6 Block I, SM-6 Block IA and SM-6 Dual I) généralement embarqués sur des destroyers de classe Arleigh Burke (DDG-51) et des croiseurs lance-missiles classe Ticonderoga. Tous ces missiles développés pour intercepter tout ce qui vole depuis l’UAV jusqu’aux missiles supersoniques évoluant à basse altitude et balistiques en phase terminale ne semblent pas à même de parer le tir de missiles hypersoniques manoeuvrants comme le Zircon.

En effet, sa vitesse de Mach-7 / Mach-8 parait rendre impossible tout tir de réaction efficace. Certes, il peut être détecté mais cela ne laisse pas assez de temps pour l’intercepter et le détruire.

Tout cela pour dire que cet armement embarqué, lorsqu’il sera réellement opérationnel, pourra remettre en question la sûreté des groupes aéronavals (Carrier Vessel Battle Group – CVBG – ou Carrier Strike Group – CVSG -), dont la pièce maîtresse reste les porte-aéronefs. En effet, si ces derniers deviennent vulnérables, c’est l’existence même de ces formations de combat qui sera à revoir par les stratèges. Le concept de « 95.000 tonnes de diplomatie » risque d’être à modifier.

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Texte

Alain Rodier

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