Pour la première fois depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022, Moscou a annoncé officiellement le 8 octobre par la voie de son ministère de la défense la nomination d’un commandant en chef chargé de l’« opération spéciale ».

Jusque là, ce sont les renseignements occidentaux qui donnaient l’information mais elle n’avait jamais été confirmée par la Russie. Le commandant en chef est donc le général d’armée Sergueï Vladimirovich Sourovikine. Il a participé à la guerre en Afghanistan au sein des spetsnaz puis à de nombreux autres conflits au Tadjikistan puis en Tchétchénie dans les années 1990.

Un point particulier, c’est le seul officier dépendant de l’armée de terre russe à avoir été nommé commandant des forces aérospatiales (l’armée de l’air) russes (2017).

Il a effectué deux séjours comme commandant en chef des forces russes en Syrie en 2017 puis en 2019 où il aurait fait preuve d’une grande efficacité. Pour cela, il a appliqué la traditionnelle tactique de l’Armée Rouge : écraser l’adversaire au moyen d’intenses tirs d’artillerie et de bombardements avant de lancer les unités de contact à l’assaut des positions ennemies. Cette manière de procéder, si elle est efficace, provoque de nombreuses pertes collatérales.

Depuis juin 2022, il commandait le « front Sud » du dispositif russe en Ukraine. C’est le seul théâtre d’opérations russe sur zone à ne pas avoir connu de revers important jusqu’au déclenchement de l’offensive de Kiev lancée en septembre contre la région de Kherson qui perdure en ce moment.

Il aurait remplacé au poste de commandant en chef (poste qui n’avait jusque là jamais été officialisé) le général Alexander Dvornikov(2) mais la rumeur avait déjà couru du limogeage de ce dernier le 26 mai pour les piètres résultats enregistrés sur le terrain. Le colonel-général (équivalent à général de Corps d’armée) Gennady Valeryevich Zhidko aurait brièvement pris sa place avant de reprendre le commandement du corps expéditionnaire russe en Syrie.

Sourovikine prend ses fonctions à un moment particulièrement difficile pour les forces russes en Ukraine qui sont soumises à trois offensives majeures de l’armée ukrainienne. De plus, le pont reliant la Russie à l’Ukraine a été gravement endommagé par un sabotage le 8 octobre, le jour même de sa nomination. C’est une gifle assénée au président Vladimir Poutine qui avait personnellement inauguré ce pont en 2018 mais aussi à son état-major qui avait déclaré qu’il était intouchable (voir croquis ci-après).

S’il est vrai que le Poutine ne se préoccupe plus depuis longtemps de son « image de marque » en Occident, il commencerait à s’inquiéter des réactions de sa propre population qui semble atteinte de doutes depuis que la mobilisation partielle a été décrétée. Peut-être encore plus grave pour lui, ses alliés traditionnels (Chine, Inde, etc.) commencent à s’interroger sur la fiabilité de la « puissance » russe. Sur la scène diplomatique internationale, ils sont en train de glisser d’une position de soutien discret à celle d’une abstention attentiste.

Le général d’armée Sourovikine va avoir pour tâche d’inverser la situation sur le terrain en Ukraine en obtenant des résultats fiables. Mais le peut-il encore ?

Dernière minute :
Le 09 octobre, le président Poutine a officiellement désigné les services secrets ukrainiens comme responsables de ce qu’il a qualifié d’ « acte terroriste ». Il semble qu’une première réponse de Moscou au sabotage du pont reliant la Russie à la Crimée est le bombardement le 10 octobre de nombreuses villes ukrainiennes dont Kiev, Lviv, Zhytomy, Kmlnysky, Dripro, Ternopil, Zaporijia, etc.

 

1. Voir : « Ukraine : progrès de l’armée russe dans le Donbass » du 6 juillet 2022.
2. Voir : « Ukraine : enfin un chef à la tête des forces d’invasion russes ? » du 11 avril 2022.

Publié le

Texte

Alain Rodier

Photos

DR