Il semble qu’Evgueni Prigojine, le propriétaire et chef de la SMP Groupe Wagner commence à irriter au plus haut point le Kremlin et – plus encore – les autorités militaires russes. Il se gargarise d’avoir « pris » Bakmout alors que les combats traînent en longueur.

Lors de l’assassinat du blogueur nationaliste pro-Poutine Maxime Fomine alias Vladlen Tatarsky’(1), il est allé à contre-courant des déclarations officielles en semblant exclure que ces assassinats aient été préparés par les services secrets ukrainiens. « Je n’accuserai pas le régime de Kiev de ces actes. Je pense qu’un groupe de radicaux est en action », a-t-il affirmé sur la chaîne Telegram de son service de presse. Néanmoins, il a rendu hommage au blogueur le 2 avril et s’est rendu le lendemain à St-Petersbourg où a eu lieu le drame ce qui était la moindre des choses puisqu’il en était un proche.

Il est logique de s’interroger sur l’intérêt qu’a eu le président Poutine à laisser ainsi prospérer son ancien majordome devenu chef de guerre et premier critique de l’armée régulière russe. Si dans un premier temps cela a permis au Kremlin de réfuter des opérations qu’il avait commanditées en disant que c’était le fait d’une société privée même pas enregistrée en Russie, ce temps est terminé. Le siège de cette SMP est officiellement installé à St-Petersbourg sous la houlette de Viktor Bout, l’ancien trafiquant d’armes récemment libéré des pénitenciers américains en échange d’une athlète US arrêtée en Russie pour « usage de stupéfiants »(2). Il est probable que les 50.000 mercenaires aujourd’hui dénombrés sont plus « pratiques » à employer en première ligne pour éviter que des conscrits et des réservistes ne se fassent trop tuer en masse ce qui a toujours une mauvaise image au sein des populations russes.

La manœuvre la plus appropriée pour le contrer reste peut-être de lever de nouvelles SMP qui feront concurrence au Groupe Wagner. Même les Britanniques avance cette hypothèse (c/f ci-avant). Ce n’est pas une chose très compliquée en Russie où de nombreux responsables ont développé de véritables armées privées dans le plus pur style de la mafia russophone.

Ainsi, selon le journaliste et blogueur Thomas Eydoux, la nouvelle SMP « convoy » a vu le jour en Crimée en 2022. Adopter un nom angliciste pour une société militaire russe, il y a comme un défi…

« Convoy » aurait été créé par Sergueï Axionov qui a été nommé Premier ministre de Crimée le 27 février 2014. Un groupe armé s’était alors emparé du Parlement de Crimée suite à la destitution du président ukrainien Viktor Ianoukovytch après la « révolution du Maïdan » et l’avait désigné « démocratiquement ». Le référendum sur le rattachement de la Crimée à la Russie est intervenu plus tard (le 17 mars) avec comme résultats 96,6% de « oui ».

Convoy publie des annonces de recrutement semblables à celles proposées par Wagner la fin 2022.
D’après une enquête d’iStories (des dissidents russes établis majoritairement à l’étranger), le commandant militaire de Convoy serait le colonel (er) Konstantin Pikalov alias Mazai.

Cet ancien officier supérieur a servi dans le Groupe Wagner, notamment en République Centre Africaine et à Madagascar. Il était considéré par le site Bellingcat comme le « monsieur Afrique » de Prigojine. La question qui se pose est : pourquoi est-il en Crimée et surtout, pourquoi a-il quitté le Groupe Wagner ?

Son porte-parole serait Vasily Yashchikov. C’est lui que l’on voit intervenir à la télévision et sur des comptes Telegram. En 2018, son groupe « les cent premiers » s’était battu contre des manifestants anti-Poutine.
Ce groupe qui aurait le statut d’« armée de réserve » est présent en Crimée mais aussi dans le Sud de l’Ukraine dans la région de Kherson. D’après iStories, il serait fort de quelques 300 combattants ce qui ne fait pas le poids par rapport aux 50.000 volontaires de Wagner.
En effet, le titre d’« armée » même de « réserve » qui lui est attribué est plus qu’exagéré, celui de « bataillon » lui aurait mieux convenu.
Toutefois, au moment où les forces russes s’enterrent en Crimée pour faire face à une probable offensive future ukrainienne, tous les renforts seront les bienvenus. Il est même possible que des volontaires de Wagner rejoignent ceux de Convoy si les conditions sont jugées meilleures, notamment au niveau de la solde.

Il existe déjà d’autres sociétés militaires privées comme la ENOT Corporation, la Patriot (la véritable concurente du Groupe Wagner qui présente la caractéristique d’être proche de l’armée régulière), la Redut et le Slavonic Corps… Ce dernier qui a été particulièrement présent en Syrie mais aurait disparu depuis.
Si pour faire du nombre, Evgueni Prigojine accepte de recruter n’importe qui et en particulier des prisonniers de droit commun, les autres SMP préfèrent pêcher dans le vivier des anciens militaires, policiers et membres des services secrets. Leurs liens avec ces derniers restent mystérieux mais certainement fructueux pour les deux parties.

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Texte

Alain Rodier

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