Une sombre affaire vient envenimer un peu plus l’ambiance exécrable qui existe en ce moment entre la Russie, l’Ukraine et l’Occident. La journaliste et politologue Daria Douguine a été tuée lors de l’explosion suivie de l’incendie du Toyota Land Cruiser qu’elle conduisait le 20 août vers 21h00 (heure locale) dans le district Odintsovo près du village de Bolshiye Vyazemy.

La jeune femme, née en 1992, revenait du festival « Traditsiya », organisé à Zakharovo, quand sa voiture a explosé avant de prendre feu à une quarantaine de kilomètres à l’ouest Moscou. Selon les premiers éléments de l’enquête ouverte par le Comité d’enquête russe pour homicide, contrairement à ce qui avait été annoncé au départ, le véhicule était bien le sien et pas celui de son père Alexandre Douguine.

Promoteur de la doctrine « eurasiste », une sorte d’alliance entre l’Europe et l’Asie sous direction russe, Douguine qui serait très écouté au Kremlin fait l’objet depuis 2014 des sanctions de l’Union européenne prises dans la foulée de l’annexion de la Crimée par la Russie.

Daria Douguine avait défendu des thèses proches de celles de son père sur les chaînes officielles russes après le début de l’invasion russe. Depuis juillet, elle faisait aussi l’objet de sanctions occidentales.

Le dirigeant de la République populaire de Donetsk (DNR), autoproclamée par les séparatistes prorusses dans l’Est de l’Ukraine, Denis Pouchiline, a accusé les services spéciaux ukrainiens d’être derrière l’assassinat de Daria Douguina.

Il convient d’attendre les résultats de l’enquête pour en savoir plus même si ces derniers risquent d’être très « politiques ». Aucune option n’est à écarter : des ultra-nationalistes qui trouvent Poutine trop « mou », le crime organisé toujours très puissant en Russie qui offre parfois ses « compétences » – moyennant finances – à des tiers, des opposants à la guerre en Ukraine et enfin les services spéciaux ukrainiens. Ce qui est certain, c’est que cette opération a été menée professionnellement : les caméras de surveillance du parking où elle était garées ne fonctionnaient plus depuis deux semaines, la charge explosive était placée sous le siège de la conductrice, ce qui laisse à penser qu’elle était bien la personne visée, etc.

Un groupe inconnu anti-Poutine a publié une revendication : l’Armée nationale républicaine de Russie. Il convient de se méfier des déclarations qui peuvent être fausses.

Les réactions du Kremlin qui vont être à suivre avec beaucoup d’attention. Les « coups de mains » non revendiqués en Crimée mais qui, à l’évidence, ne sont pas des « accidents », n’ont pas été (encore) suivis de réponses russes. Les coups d’épingle répétés vis-à-vis de Moscou (pour mémoire, qui est et reste l’agresseur) risquent de provoquer une réponse disproportionnée car Poutine ne va pas maîtriser longtemps son aile « nationaliste » (qui, au besoin le remplacera en cas de défaillance).

Prenant les devants, Mikhaïlo Podoliak, un des conseillers de la présidence ukrainienne a démenti toute implication de l’Ukraine dans cet attentat : « L’Ukraine n’a sans aucun doute rien à voir avec l’explosion d’hier, parce que nous ne sommes pas un État criminel ». Si la traduction est correcte, ces termes restent ambigus par le « sans aucun doute ».

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Alain Rodier

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