Les relations entre l’Inde et le Canada se sont détériorés considérablement suite au meurtre le 18 juin 2023 en Colombie-Britannique d’Hardeep Nijjar, un responsable séparatiste sikh - mais ayant aussi la nationalité canadienne -. Les services de renseignement canadiens auraient recueilli des « éléments crédibles » qui lieraient cet assassinat au gouvernement de Narendra Modi. Cette affaire a déclenché une crise diplomatique entre les deux pays suivie à la mi-octobre 2024 d'une série d'expulsions diplomatiques dont celles des deux ambassadeurs.
L’Inde le pays le plus peuplé de la planète avec près de 1,42 milliard de ressortissants, est une république fédérale confrontée à de nombreux problèmes politiques, économiques, culturels, religieux, séparatistes, etc. La décentralisation des autorités politiques et sécuritaires crée des opportunités pour différentes forces dont des groupes criminels qui se livrent à la corruption à grande échelle.
L’enjeu est important car l’Inde est un carrefour pour tous les trafics mondiaux, en particulier pour ceux des drogues, des armes, des êtres humains, des matières premières, etc.
En conséquence, les crimes sont nombreux et restent souvent impunis car les commanditaires restent dans l’ombre.
Denier cas concret en Inde
L’ancien ministre Baba Ziauddin Siddique a été assassiné par balles le 12 octobre soir à Mumbai (Bombay) juste après avoir quitté le bureau de son fils.
Baba Siddique avait reçu des menaces de mort fin septembre et les autorités avaient détaché un policier pour l’escorter.
Selon les informations préliminaires fournies par la police, six douilles ont été retrouvées mais tirées par deux armes de poing différentes.
Trois des projectiles ont frappé Baba Siddique à la poitrine tandis qu’un a touché la personne qui l’accompagnait à la jambe.
La voiture, une Range Rover était théoriquement blindée. La police voit deux options (qui peuvent être concomitantes) :
. le véhicule était mal « blindé » en particulier au niveau des vitres ;
. les assaillants ont utilisé à bout touchant des munitions perforantes – vraisemblablement des 9×19 mm parabellum blindées.
Les photos publiées par la presse ne montrent qu’un seul (large) impact. Il convient de savoir qu’un verre blindé ne résiste qu’un « certain temps » à des tirs qui visent exactement le même endroit : les premiers projectiles affaiblissent le verre blindé et les suivants passent. Mais pour cela, il convient que le tireur soit très proche pour avoir une précision suffisante. Dans ce cas, six douilles ont été retrouvées et au moins quatre balles auraient pénétré dans l’habitacle.
Un des assaillant Shivkumar Gautam (à gauche) est parvenu à s’enfuir. Par contre, ses complices Dharamraj Rajesh Kashyap, 19 ans, de l’Uttar Pradesh (au centre) et Gurmail Baljit Singh, 23 ans, d’Haryana (à droite) déjà condamné pour meurtre ont été arrêtés.
Siddique, ancien ministre local, était une figure importante de la politique de l’État du Maharashtra qui devrait organiser des élections législatives le mois prochain.
En février, il avait quitté le parti du Congrès, la principale formation d’opposition en Inde. Il avait rejoint le Parti du Congrès nationaliste (NCP).
Siddique était connu pour son train de vie somptueux et ses liens avec des superstars de Bollywood, le cinéma indien lui-même gangréné par le crime organisé.
Les suspects ont déclaré appartenir à un gang dirigé par le célèbre criminel Lawrence Bishnoi incarcéré depuis 2014.
Ce dernier est actuellement incarcéré pour son implication dans plusieurs affaires de meurtre très médiatisées, notamment celui du rappeur indien Sidhu Moose Wala en 2022. Toutefois, malgré des changements de prisons assez fréquents, il semble en mesure de continuer à diriger son gang – évalué à 700 membres – depuis sa cellule.
Une des armes retrouvée – totalement interdite à l’importation en Inde – serait un pistolet semi-automatique Zigana K de fabrication turque. Le même type de pistolet a été utilisé pour le meurtre du chanteur pendjabi Sidhu Moose Wala dont la responsabilité a été revendiquée par Satinderjit Singh Brar alias « Goldy Brar », un membre du gang de Lawrence Bishnoi qui résiderait clandestinement … au Canada.
En Inde, la frontière entre crime organisé et politique est très floue avec un nombre croissant d’acteurs criminels impliqués dans la politique. En effet, pour participer aux élections locales et nationales, la loi indienne n’interdit pas aux personnes poursuivies par la justice de se présenter aux élections (environ 40% des élus).
Le coût élevé des élections augmente également le risque que les politiciens se tournent vers des financements criminels.
En outre, le système politique majoritaire du pays a été critiqué par des militants locaux et des organisations de défense des droits humains.
La corruption est endémique à tous les échelons du gouvernement, du système judiciaire et de l’administration mais elle n’est pas vraiment combattue.
Au niveau politique, l’Inde se concentre depuis longtemps sur la coopération internationale pour compenser ses capacités nationales et régionales limitées à mettre en place un régime de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale. Dans ce cadre, l’Inde coopère avec les pays occidentaux pour conduire des procédures d’extradition et d’assistance aux enquêtes menées à l’étranger. Avec le Canada, il semble que cela est terminé pour l’instant.
En termes de politiques et de lois nationales, l’Inde a mis en place plusieurs initiatives et stratégies de lutte contre le crime organisé, mais elle ne dispose pas de loi fédérale à ce sujet, ce qui oblige certains États à mettre en œuvre leur propre législation pour combler cette lacune.
L’absence de législation fédérale entraîne une surcharge de travail pour les enquêteurs criminels et un système judiciaire lent et encombré.
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