Selon l’AFP, de violents affrontements ont eu lieu le 27/28 septembre entre des jihadistes de Boko Haram et de la province de l’État islamique en Afrique de l’Ouest (Islamic State West Africa Province - ISWAP -) sur l’île de Kirta Wulgo située dans la région du lac Tchad.

Des combattants de Boko Haram provenant de plusieurs implantations locales voisines se sont regroupés sur l’île de Tumbuns où ils ont attaqué six positions de l’ISWAP avant ensuite de s’emparer de Kirta Wulgo qui était une des bases du mouvement. Le bilan de plus de neuf heures de combats acharnés dépasserait la centaine de morts de par et d’autre.

Depuis qu’Abubakar Shekau avait succédé en 2009 à la tête de Boko Haram à Mohammed Yousouf assassiné par les forces de sécurité, la guerre civile au Nigeria a fait près de 36.000 morts et deux millions de déplacés. Shekau s’était fait remarquer pour son extrémisme idéologique (il considérait tous ceux qui ne partageaient pas sa vision du jihad et tactiques comme des takfirs (des « incroyants »). Ainsi, en contradiction avec les textes sacrés de l’islam qu’il prétendait défendre, il obligeait les femmes et les jeunes filles à pratiquer des attentats-suicide. Son extrémisme avait même poussé Abou Bakr al-Baghdadi, le « calife » de Daech, à lui retirer le « label État Islamique » et pourtant ce leader sanguinaire ne reculait pas devant les pires horreurs.

C’est ce qui a provoqué en 2012 une sécession d’une partie du mouvement, un groupe prenant l’appellation d’Ansaru et se rapprochant d’Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI).

En 2016 Abou Mousab al-Barnawi(1) alias Habib Yousouf, un des fils du fondateur de Boko Haram fait aussi dissidence à la tête d’une fraction du mouvement qui est reconnue comme la branche officielle de Daech en Afrique de l’Ouest et d’obtient le statut de « province » (ISWAP). Ce groupe terroriste semblait avoir consolidé son contrôle de la région du lac Tchad depuis la mort en mai de cette année d’Aboubakar Shekau(2).

Mais selon des sources sécuritaires, son successeur et ancien lieutenant, l’émir Bakoura Buduma, a fui l’ancien bastion forestier de Sambisa pour rejoindre les territoires qu’il connaît bien sur les rives nigériennes du lac Tchad. Toutefois en août, Boko Haram avait subi de lourdes pertes lors d’une première tentative d’attaque ratée de Kirta Wulgo.
Mais il est vraisemblable que les observateurs enterraient un peu trop vite Boko Haram qui semblait ne pas se remettre de la disparition de son chef emblématique. Parallèlement, la montée en puissance de l’ISWAP a sans doute surévalué.

En effet, il semble aujourd’hui que Boko Haram pousse l’ISWAP dans ses retranchements de Sabon Tumbu (État de Borno au Nigeria) où résiderait al-Barnawi, de Jibillaram, des îles Sigir et Kusuma proches de Kirta Wulgo…

Il n’en reste pas moins que cette guerre intérieure qui divise les mouvements salafistes-jihadistes qui se revendiquent de Daech est un facteur favorable.

1. à ne pas confondre avec Usman Umar Abubakar alias Khalid al-Barnawi, le successeur d’Abubakar Adam Kambar tué en 2012. Cet al-Barnawi a été arrêté le 3 avril 2016 dans l’État de Koji.
2. Voir « Nigeria : mort probable d’Abubakar Shekau » du 21 mai 2021.

 

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