Cela faisait plusieurs jours que les services de renseignement occidentaux - particulièrement américains, britanniques et canadiens - prévenaient de l’imminence d’attentats dirigés contre l’aéroport militaire de Kaboul. La présence de la foule se pressant aux portes de l’aéroport et de la presse internationale disponible pour diffuser mondialement un évènement extraordinaire constituait un objectif très tentant pour les terroristes.

La « wilayat Khorasan » de Daech active dans le pays a effectivement saisi l’occasion le 26 août en déclenchant des opérations suicide complexes visant l’entrée « Abbey» et l’hôtel Baron tout proche servant de point de regroupement pour les Américains. Le nombre réel de victimes ne sera peut-être jamais connu étant donnés l’effondrement de l’administration afghane et plus particulièrement celle de la santé. Il est question de 90 tués et 140 blessés. Par contre Washington a annoncé la mort de 13 de ses militaires.

La « wilayat (province) Khorasan » aussi appelée « ISIS-K » ou « EI-K » a été fondée en 2014-2015 quand Daech était en phase de conquête dans son berceau syro-irakien et sur d’autres théâtres de guerre. Le plus souvent, ce sont des défecteurs de l’ex-maison mère Al-Qaida « canal historique » (la rupture était intervenue entre cette ancienne branche d’Al-Qaida en Irak et au Levant – EIIL – et al-Zawahiri en 2014) qui, attirés par l’« odeur de victoire » de Daech, ont changé de bannière. Les deux premiers responsables de l’ISIS-K, le Pakistanais Hafiz Saeed Khan et son adjoint, l’ancien détenu de Guantanamo Abdul Rauf Aliza, ont été neutralisés par des frappes américaines en 2015 et 2016. Le nouvel émir serait Shahab al-Muhajir (voir photo en fin de texte) qui était précédemment un chef de guerre du réseau Haqqani proche d’Al-Qaida.

Depuis son apparition, cette branche de Daech a lancé des centaines d’attaques en Afghanistan dont des tirs contre l’aéroport international, contre le palais présidentiel, l’attaque de l’université, etc. Ne reculant devant aucune horreur, elle s’en était même prise à une maternité tenue par Médecins sans frontières…

Selon un rapport de l’ONU, la wilayat Khorasan après avoir subi des coups sévères ces dernières années de la part des Américains, des Pakistanais et des taliban était encore forte de 1.500 à 2.200 combattants répartis dans de nombreuses cellules décentralisées.

Al-Qaida « canal historique » qui est aussi en guerre ouverte contre Daech sur tous les théâtres d’opération, est entré dans Kaboul le 15 août aux côtés des taliban. Dans tout le pays, les prisons ont été ouvertes mais nombres de militants de Daech (dont le responsable Abou Omar Khorasani, l’ancien émir de Daech pour l’Asie du Sud) ont été exécutés sommairement.

Pour Daech qui a pour ennemis les Occidentaux, les taliban, Al-Qaida… le monde entier, il va y avoir désormais deux phases, l’une avant l’évacuation complète de l’aéroport militaire de Kaboul par les forces occidentales que cette organisation va tenter de perturber au maximum (1), et ensuite, la seconde, la guerre civile contre les taliban et leurs alliés d’Al-Qaida « canal historique ». Ce dernier risque de durer des années.

Ce qui et certain, c’est que Daech est revenu sur le devant de la scène, ce qui était son objectif à court terme.

 

1. Il y a le problème de la sécurité des aéronefs. Daech possède des missiles anti-aériens à courte portée, des missiles anti-chars sol-sol, des mortiers, des roquettes et des mitrailleuses lourdes. Seulement, pour les mettre en œuvre avec une probabilité d’efficacité maximum, il faut installer des emplacements de tir à proximité des pistes. C’est là où les taliban ont un rôle à jouer pour sécuriser le départ des avions en surveillant la zone sensible autour de la base. Des échanges d’informations auraient lieu entre les Américains et les taliban pour coordonner cette défense…

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