Selon la justice américaine, Juan Orlando Hernández Alvarado (« JOH »), le président du Honduras élu en 2013 puis réélu en 2017 lors de scrutins entachés de soupçons de fraude est intimement lié au crime organisé.

Son plus jeune frère, Juan Antonio « Tony » Hernández arrêté à Miami en novembre 2018 a été jugé coupable en 2019 pour avoir importé quelque 185 tonnes de cocaïne aux États-Unis et d’avoir commandité deux assassinats de concurrents. Le 30 mars 2021, il a écopé d’une peine à perpétuité le 31 mars 2021 (assortie d’une peine supplémentaire de 30 ans d’incarcération). Il lui a aussi été reproché d’avoir reçu un million de dollars de Joaquin « El Chapo » Guzmán – le boss du cartel mexicain de Sinaloa – afin de financer la seconde campagne électorale de son frère Juan Orlando Hernández. Cette manière de procéder semble assez courante au Honduras, le prédécesseur de JOH, Porfirio « Pepe » Lobo Sosa, aurait en effet aussi bénéficié d’aides financières douteuses.

Selon Washington, à la différence des autres pays d’Amérique latine où les autorités politiques travaillent parfois avec les cartels via des intermédiaires et des fonctionnaires corrompus, au Honduras, les trafiquants de drogue « sont » l’État.

Juan Orlando Hernández Alvarado est un vrai casse-tête pour le président Joe Biden. Il est le premier dirigeant latino-américain depuis Manuel Noriega au Panama (qui a dirigé le Panama de 1983 à 1989 sans en être constitutionnellement le « président » mais le chef des armées) à être désigné par des tribunaux américains comme un « narco ».
À noter que sa présidence est marquée par l’augmentation de l’influence des évangélistes et d’une frange intégriste de l’Église catholique (pourtant doctrinalement opposés). Ce serait eux qui seraient à la base de l’inscription dans la Constitution de l’interdiction totale de l’avortement et du mariage homosexuel. Les relations entre les organisations criminelles dont les membres sont des catholiques (mafias italiennes, italo-américaines, cartels latino-américains) et l’église ont toujours été sujettes à interrogations.

Le Pape François est très clair : les « structures de péché, des structures mafieuses, contraires à l’Évangile du Christ, confondent la foi avec l’idolâtrie » a-t’il notamment indiqué le 21 mars. En mai, il a mis sur pied une commission chargée d’étudier l’excommunication des mafieux. Contrairement à ce que l’on peut penser, cela peut avoir un impact direct sur certains responsables criminels qui se voient retirer la « légitimité morale » que leur donnait l’onction de quelques prélats aux ordres(1).

Avec JOH, Washington est bien obligé de rester pragmatique et le conseiller de Joe Biden pour l’Amérique latine, Juan González, a déclaré : « pour l’instant, il [JOH] est le président élu du Honduras et nous allons travailler avec son gouvernement, nous allons rechercher des sujets d’intérêts mutuels ». Sauf coup d’État, le deuxième mandat du président hondurien doit se terminer en janvier 2022. Il est vraisemblable que commencera alors pour lui une cavale pour échapper à la justice nord-américaine. Il doit déjà être en train de la préparer…

Il n’empêche qu’un mandat d’amener a été publié par un tribunal de New York contre Juan Carlos Bonilla Valladares alias le « El Tigre », un ancien responsable de la police hondurienne pour implication dans les trafics d’armes et de drogues, procédure annoncée en avril 2020. Le procureur de Manhattan a précisé que Valladares avait travaillé pour Juan Antonio « Tony » Hernández et son président de frère même s’il n’était plus en fonction lorsque ce dernier est arrivé au pouvoir. Ses connexions précédentes en ont fait un collaborateur de choix pour les deux frères.

Il convient de préciser que le président hondurien nie toutes les accusations portées à son encontre. Les avocats de son frère qui avaient tenté de négocier une peine de quarante années de pénitencier (ce qui laisse à penser qu’ils ne le considéraient pas comme totalement innocent) font appel du jugement de mars 2021.

1. Jean Paul II avait appelé les fidèles le 9 mai 1993 d’une visite en Sicile à « un rejet clair de la culture de la mafia, qui est une culture de mort, profondément inhumaine, anti-évangélique, ennemie de la dignité humaine et de la coexistence civile ».

 

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Texte

Alain Rodier

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