C’est en découvrant les images de l’opération du GIGN à Marignane qu’il est tombé dans la marmite de potion magique : Phil B., membre du Groupe durant quinze ans, se met à nu avec Jean-Luc Riva (déjà coauteur de deux livres avec Christian Prouteau) dans GIGN : confessions d’un OPS (éditions Nimrod, janvier 2019). Le titre peut paraître un peu exagéré tant qu’on n’est pas rentré dans le fond du livre, qui raconte les débuts dans la vie, un peu turbulents, du futur opérateur, produit d’une éducation spartiate, tour à tour bagarreur à l’école, videur en discothèque, avant d’entrer presque miraculeusement dans la gendarmerie, puis d’intégrer son élite. Un parcours qui rappelle celui du marin Marius, relaté dans Parcours commando (également édité chez Nimrod). 

La plupart des livres parus ces dernières années se ressemblent. Celui-ci tranche clairement, par le ton, et le profil peu commun de l’auteur. Pour la première fois aussi, un opérateur dévoile intégralement un des secrets les mieux gardés du Groupe : les coulisses parfois extrêmement violentes (tant physiquement que psychologiquement) du processus de sélection, comme il les a vécues à l’époque, avec moult détails sur le « coxage » qui fait partie des épreuves des unités d’élite (on le trouve aussi chez les commandos marine… et dans la vraie vie), avant de rejoindre le Graal, et les vraies opérations.

Avec une grosse « humilité », un de ses maîtres-mots, et souvent une bonne dose d’humour, Phil B. conquiert son lecteur sans difficulté, le prenant par la main, dans le récit de son parcours : des forcenés à prendre en compte en métropole, des opérations extérieures en Libye, au large de la Somalie (où il ne participera pas, de fait, à l’opération sur le Ponant, à cause d’une panne sur la frégate Surcouf qui le convoie avec une équipe du Groupe et des commandos marine), ou encore en Irak.

Il est aussi au cœur d’une émeute en prison, à Fleury-Mérogis, où il neutralisera le meneur, qui retient un otage. Son souvenir le plus poignant. C’est lui qui tient le Glock 19 qui n’était pas le sien, habillé en maton, à 5 m du preneur d’otage, avec un tir déclenché par une diversion. « J’étais le tireur, mais je n’ai pas agi tout seul, avec la force du Groupe et l’appui du chef. La force du Groupe m’a aidé, car, à ce stade-là et quand ça dure, on passe par des phases de doutes, sur ses capacités, on est en zone rouge côté émotion, et c’est ça qui est difficile en gestion du stress, tout en gardant des émotions, le respect de la personne sur qui on va tirer, pour préserver sa vie et, évidemment, celle de l’otage. Savoir que ce qu’on va faire est grave, ça fait psychoter. En même temps, on a un acte extrêmement technique à réaliser, un tir chirurgical facile au stand, mais moins en environnement et en émotion. Ma première pensée va vers la famille, c’est ce qui est le plus dur quand on tue quelqu’un, c’est le côté définitif du tir. On neutralise dans son intégralité. Tout ce qu’il y a de bon part avec ce que l’autre avait de plus mauvais. »

« À Thalatine [opération de libération des otages du voilier de luxe Le Ponant en avril 2008], on devait monter à l’assaut en Etraco, on était 10 prévus à monter, et des appuis. J’avais demandé à partir avec mon MR73 à la main, en référence à mon parrain Thierry Prungnaud, blessé à Marignane. J’avais un G36 à l’époque : comme j’ai dit à mon chef, quand je poserai le G36, c’est qu’il restera plus grand-chose à faire, donc mieux vaut avoir le MR ! On n’a pas participé directement, mais je n’ai pas de déception, à partir du moment où l’issue a été favorable pour tout le monde, car les otages ont été sauvés. Si on avait fait l’assaut, on n’en sortait pas indemnes, car le pronostic était de 50 % de l’effectif touché, c’était très défavorable. Ils nous ont annoncé 12 ou 14 preneurs d’otages au départ de Paris, puis arrivés à Djibouti, ils en annoncent 18. Mais on était prêts à aller jusqu’au bout et on avait à cœur de réaliser la mission, comme d’habitude ! »

Prenant appui sur sa propre expérience, Phil B. explique les ressorts du succès, pour intégrer une unité spéciale : « Tous les jeunes qui sont motivés, qu’ils aillent jusqu’au bout, sans écouter les détracteurs, les jaloux. Les forces spéciales, la BRI, le GIGN, c’est la voie royale, réservée à une minorité. Que les jeunes de 15-16 ans qui le veulent se donnent les moyens et qu’ils visualisent bien le parcours pour y arriver et ne pas se griller en allant dans des bagarres stériles. Il faut compter sur soi-même pour l’entraînement et absolument ne rien négliger, car les exigences du métier sont rudes. Si on passe à côté de quelque chose, la sanction peut être extrêmement lourde, pour soi ou pour le Groupe. La personne qui entre au GIGN ne doit rien négliger. Je pensais que l’homme idéal, c’était moi, musclé ; or j’ai été mis en difficulté sur le pré-stage à cause de ça. On a besoin de chats maigres, de costauds, de gens sensibles, de gens moins sensibles. Et surtout, de gens déterminés, qui ont le don de soi. »

Phil B. a décidé de s’engager dans le cinéma, pour montrer des « émotions justes des hommes de terrain » car, selon lui, le cinéma ne montre « pas toujours l’essentiel ». Il s’est donc associé en parallèle avec Ben, son ami d’enfance, et Angélique. Leur société B-One offre des formations ou du coaching sur du sport de combat, de la réaction au terrorisme et à la motivation et à la détermination. Un réseau a été mis en place avec les frères Julien et Karim Clemenceau (champion d’Europe, 4e dan de krav-maga), amis d’enfance, et le cascadeur Alain Figlarz

« J’ai envie de casser les clichés, conclut-il, de sortir de la case dans laquelle on me met. Donc d’abord, rendre un dernier hommage aux opérationnels, mais aussi incarner un tout autre personnage, et pourquoi pas, un preneur d’otage. »

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