Il est un sujet que l’Ukraine n’aime pas aborder : le refus de la conscription et les désertions au sein de ses forces armées. Il est vrai que, pour l’instant, il s’agit d’un épiphénomène qui ne semble pas prêter à conséquences.

Comme dans toutes les armées du monde, et plus particulièrement celles qui sont en guerre, le sujet est sensible. Un exemple connu est celui de la guerre de Vietnam d’autant que les médias avaient pris parti pour eux plus que pour le gouvernement américain.
Le refus de servir sous les armes en Ukraine rejoint un autre classique du pays : la corruption qui est connue de tous les observateurs depuis l’effondrement de l’URSS. Même les autorités de Kiev reconnaissent le problème…
Avant de déserter il convient pour le rétif à la guerre d’essayer d’échapper à sa mobilisation. La corruption joue là un rôle prioritaire.
Il existerait l’ouest du pays un paiement mensuel effectué pour empêcher tout individu de rejoindre l’armée.
Plus subtil encore, des commandants sur le terrain demanderaient aux bureaux de recrutement de cesser de leur envoyer des hommes qui ne veulent pas ou qui ont trop peur de se battre. Pour eux, ils ne seraient qu’un « fardeau » au combat.

Enfin, beaucoup d’hommes en état d’être appelés considèrent que la fuite vers un autre pays comme leur seule chance d’éviter la guerre.

Dans le sud-ouest du pays, l’armée ukrainienne arrête des voitures et des bus tous les dizaines de kilomètres sur la route qui longe la rivière Tisa, à la recherche de candidats à la désertion. Leurs bases de données, chaotiques au début de la guerre, s’améliorent. La police des frontières ukrainienne a récemment signalé qu’elle arrêté jusqu’à 20 fuyards par jour.

La BBC a approché les forces armées ukrainiennes pour obtenir des commentaires sur les taux de désertion et d’échappatoire. Pas de réponse.
Mais selon les autorités roumaines en charge de l’immigration, depuis l’invasion du pays par la Russie, 6.200 Ukrainiens en âge de servir ont franchi illégalement la frontière (longue de de 600 km) vers la Roumanie. Ils obtenu une protection temporaire. Quelques 20.000 autres y sont arrivés légalement, munis d’exemptions – parfois payantes, parfois non – et ont choisi de ne pas rentrer au pays.
Selon des chiffres ukrainiens non officiels, 90 hommes sont morts au cours des quinze derniers mois lors du transit vers la Roumanie – soit noyés dans la Tisa, soit morts de froid dans les montagnes -.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a promulgué en début d’année une loi alourdissant les peines encourues par les militaires pour désobéissance et désertion. Selon le texte publié sur le site du Parlement ukrainien qui l’avait adopté en décembre 2022, les faits concernés comprennent le refus d’obéir à un ordre, les menaces envers un commandant, la désertion et la fuite du champ de bataille ou encore la consommation d’alcool. Il avait déjà interdit à tout homme de 18 à 60 ans de quitter le pays après l’invasion russe.
Il interdit notamment aux tribunaux de réduire les peines ou d’accorder des peines conditionnelles aux militaires reconnus coupables. Les soldats ukrainiens encourent jusqu’à 12 ans de prison pour désertion, jusqu’à 10 ans pour désobéissance ou refus de combattre et jusqu’à 7 ans pour menace envers un supérieur.

Les deux parties ont des problèmes à régler avec les « rétifs » du champ de bataille. Les faits de dizaines de milliers de Russes fuyant la guerre et la mobilisation ont été largement rapportés sachant que ce sont les plus aisés qui ont eu ce choix. Un exil prolongé à l’étranger coûte cher. Mais l’Ukraine n’est pas exempte de la même problématique.

La question qui se pose est : est-ce que les va-t-en-guerre occidentaux (d’un côté comme de l’autre) sont prêts à remplacer les vides laissés par ces « déserteurs » en suivant l’exemple de Malraux durant la guerre d’Espagne : mettre leur peau au bout de leurs idées…
Il n’en reste pas moins que des centaines (voire des milliers) de ressortissants de ces deux pays font tout pour échapper au chaudron.

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Texte

Alain Rodier

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