Le 2 mai (Reuters), des « conseillers » russes (personne ne sait si ce sont des militaires d’active ou des mercenaires de l’ « Africa Corps » ex-Wagner en Afrique) sont entrés sur la base aérienne 101 qui jouxte l'aéroport international Diori Hamani à Niamey. Cette base accueille encore des troupes américaines qui doivent se retirer dans les semaines à venir suite à la décision de la junte nigérienne d'expulser les forces américaines.

En effet, la junte au pouvoir a demandé aux quelques mille militaires américains de quitter le pays dans les plus brefs délais. Jusqu’au coup d’État de 2023, les Américains avaient été un partenaire clé dans la lutte contre les insurgés qui ont tué des milliers de personnes et déplacé des millions d’autres.

Un haut responsable américain de la défense s’exprimant sous le sceau de l’anonymat, a déclaré que les forces russes ne se mêlaient pas aux troupes américaines mais utilisaient un « hangar » séparé à la base aérienne 101.

Selon des images de la propagande russe, le « hangar » semble assez confortable…

Le secrétaire de la défense américain Austin en déplacement à Honolulu a déclaré : « Les Russes sont dans un complexe séparé et n’ont pas accès aux forces américaines ou n’ont pas accès à notre équipement […] Je suis toujours soucieux de la sécurité et la protection de nos troupes… Mais pour l’instant, je ne vois pas de problème important ici en termes de protection de nos forces. »

Cette initiative russe place les troupes américaines dans une situation inconfortable au moment où la rivalité militaire et diplomatique entre Washington et Moscou est de plus en plus tendue en raison du la guerre en Ukraine.

Les bonnes relations qui existaient entre les États-Unis et le Niger ont pris fin au début du mois de mars 2024. Jugeant les propos d’une délégation de haut rang américaine « paternaliste et condescendants », le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) a demandé à Washington de retirer ses troupes du pays. Dans le même temps, le Niger qui entend diversifier ses partenariats notamment avec l’Iran et la Russie, a renforcé sa coopération sécuritaire avec le Kremlin. Courant avril, une centaine d’instructeurs militaires russes sont arrivés dans le pays avec du matériel militaire de pointe.

Ce départ soulève également des questions quant au sort des installations américaines dans le pays à la suite du retrait.

Il est vraisemblable que les forces russes profiteront du départ des troupes américaines pour occuper les bases militaires que Washington a fait construire dans le pays dont celle d’Agadez qui a coûté plus de 100 millions de dollars.

Les États-Unis et leurs alliés ont été contraints de se retirer d’un certain nombre de pays africains à la suite de coups d’État qui ont amené des groupes de pouvoir désireux de se distancier des occidentaux.

Outre le départ imminent du Niger, les troupes américaines ont été priées de quitter le Tchad ces derniers jours, tandis que les forces françaises ont été expulsées du Mali, du Burkina Faso et du Niger (ils avaient évacué la base 101 de Niamey à la fin 2023.)

Plus généralement, les Russes « marquent à la culotte » les Occidentaux sur tous les terrains où ils sont en mesure de leur nuire.

En dehors du rapprochement de Moscou avec de nombreux pays du continent Africain (à noter que la Libye est devenue une base logistique de transit pour Moscou qui pourrait encore prendre de l’importance dans l’avenir), les Russes sont actifs sur tous les fronts. Ainsi, le président Poutine a déclaré qu’il souhaitait tisser de nouveaux liens avec le Yémen… pas avec le gouvernement légal mais avec les Houthis qui prennent pour cible de nombreux navires transitant par la mer Rouge ou même en mer d’Oman…

Une délégation houthie s’était rendue à Moscou en janvier 2024. Il est entendu qu’ils ne viseraient pas les navires russes et chinois passant à la portée de leurs missiles et autres drones…

La recomposition du monde se met peu à peu en place. D’un côté, l’Alliance atlantique agrandie à la Suède et à la Finlande; de l’autre la Russie alliée à l’Iran, à la Corée du Nord, aux putschistes africains, aux Houhis yéménites, aux régimes vénézuélien, syrien…

Les autres grandes puissances, Chine et Inde en tête, jouent leur partition entre ces deux blocs.

Publié le

Texte

Alain Rodier