Depuis quelques mois, la wilayat de l’État Islamique au Sinaï(1) autrefois très active semble montrer des signes de faiblesses. Cela serait dû à la stratégie des forces égyptiennes qui ont enfin associé les tribus bédouines de la région à leur combat et qui ont coupé une grande partie des voies d’approvisionnements du mouvement terroriste.

Les conditions de vie des activistes salafistes-jihadistes et leurs familles sont devenues extrêmement dures, les denrées de première nécessité et même la nourriture se faisant rares. Les attaques et autres actions terroristes qui étaient très nombreuses jusqu’en 2018 sont désormais plus sporadiques tout en n’ayant pas disparu.

Ce mouvement est issu d’Ansar Baït al-Maqdis (« Les Partisans de Jérusalem ») ou Ansar Jérusalem qui est apparu dans le Sinaï en 2011 à la suite des « printemps arabes ». Il a d’abord dirigé ses opérations contre les Israéliens puis, après la prise de pouvoir par le général Abdel Fattah al-Sissi en juillet 2013, il les a étendu au régime égyptien considéré comme le « complice des sionistes ». Au départ, des cellules de ce groupe étaient présentes dans la bande de Gaza. Il est difficile de savoir si elles ont été liquidées par le Hamas (considéré comme « apostat » par Daech) ou si elles sont seulement en sommeil.

Le 10 novembre 2014, ce mouvement a prêté allégeance à Abou Bakr al Baghdadi qui venait de s’autoproclamer « calife de l’Émirat Islamique » (Daech). Il a pris l’appellation de « province [du califat] du Sinaï » (wilayat Sinaï). Il a alors reçu des renforts en hommes et armements qui sont parvenus de Libye et du noyau de l’EI installé à cheval sur la Syrie et l’Irak. La majorité de ces combattant étaient des Égyptiens qui étaient partis mener le jihad à l’extérieur de leur pays d’origine. Il est alors parvenu à créer un profond état d’insécurité dans le nord du Sinaï tout en réussissant des opérations terroristes d’envergure.

La plus marquante a été l’attentat à la bombe dirigé contre l’Airbus A321 russe du vol MetroJet 9268 entre Charm el-Cheikh et Saint-Pétersbourg le 31 octobre 2015 qui a tué 224 personnes.

Daech est toujours resté discret sur le nom des responsables de la wilayat Sinaï. Selon le Caire, son émir, Salma Said Mahmoud al-Hamadin, aurait été neutralisé en mars 2021. Un autre dirigeant désigné en 2016 par Daech comme le « gouverneur » (Wali) du Sinaï serait Abou Hajar al-Hashemi. Il serait encore dans la nature. Les effectifs constitués très majoritairement d’Égyptiens dont des Bédouins auraient fortement diminué ces derniers mois passant de 1.500 activistes à quelques centaines (il convient de rajouter les familles qui accompagnent les combattants).

Le 10 septembre 2021, Muhammad Saad Kamel al-Saidi alias Abou Hamzaal-Qadi (« le juge ») s’est rendu à une milice bédouine coopérant avec le Caire après avoir obtenu la promesse qu’il ne serait pas exécuté sommairement et que son épouse et ses trois enfants seraient pris en charge.

Al-Qadi (le troisième à partir de la gauche sur la photo ci-dessous) est considéré comme le numéro deux ou trois de la chaîne de commandement de la wilayat Sinaï. C’est la première fois qu’un dirigeant de ce rang effectue cette démarche.

Né en 1986 en Égypte, il est arrivé au Sinaï en 2015 depuis la Syrie où il avait rejoint Daech en 2014. Il était chargé de la vérification politico-religieuse des actions entreprises par la Wilayat. Ainsi, il avait approuvé le bien-fondé de l’attaque de la mosquée de Bir al-Abd à la fin 2017 qui avait fait 300 victimes membres de la communauté soufie. Il aurait aussi commandé l’exécution de civils coupables de coopération avec l’ennemi.

La Wilayat Sinaï qui était considérée comme une des provinces extérieures de Daech les plus agressive, serait donc en régression. Les forces égyptiennes discrètement aidées par Israël vont tenter de l’affaiblir encore. Pour cela, elles doivent tirer des informations exploitables de leur prisonnier qui risque d’être condamné à la peine capitale. Mais pour parvenir à rétablir la situation sécuritaire dans le nord du Sinaï, il faut aussi que le Caire apporte une aide sociale et économique de toute première importance pour satisfaire les revendications des populations locales, particulièrement bédouines.

1. Voir : « Égypte : La wilayat Sinaï publie une nouvelle vidéo » du 13 janvier 2021

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