Des suites bien étranges semblent se dérouler en Afghanistan. Après avoir rapporté que les taliban avaient profané la tombe du commandant Ahmad Shah Massoud lors de la prise de la vallée du Panshir au début septembre, il s’avère aujourd’hui qu’elle aurait été remise en état.

Des vidéos montrent des taliban autour du monument qui semble impeccable. Il est possible que les premiers combattants talèb arrivés sur place aient profané le monument mais que des ordres aient ensuite été donnés pour que tout soit remis en état. Bien que le commandant Massoud ait été l’un des plus farouches opposants aux taliban, ces derniers savent qu’il est resté très populaire, si ce n’est au sein de la population mais surtout à l’étranger où il est devenu une icône. Il a donc été décidé de ne pas renouveler la même erreur que la destruction en mars 2001 des Bouddhas de Bamiyan qui avait frappé d’horreur la communauté internationale.

Aide humanitaire à l’Afghanistan.

Le 14 septembre, le nouveau ministre des Affaires étrangères afghan, Amir Khan Muttaqi, a déclaré après qu’une réunion spéciale de l’ONU ait permis de rassembler une promesse d’aide humanitaire d’urgence de 1,2 milliards de dollars : « nous remercions et saluons l’engagement du monde […] et leur demandons de poursuivre leur aide à l’Afghanistan […] l’Émirat islamique fera de son mieux pour donner cette aide aux personnes dans le besoin de manière totalement transparente ». La situation devient en effet dramatique pour 18 millions d’Afghans déjà frappés par une grave sécheresse et les conséquences catastrophiques de la pandémie de la Covid-19 sans compter les séquelles de décennies de guerre.

La Chine a promis 31 millions de dollars et l’envoi de trois millions de doses de vaccin.
Le Pakistan (qui soutient les taliban afghans) a affirmé que « les erreurs du passé ne doivent pas être reproduites. Le peuple afghan ne doit pas être abandonné ». Pour le moment, il est en pointe dans l’aide au nouveau régime mais ses moyens restent limités. Il craint surtout un afflux de réfugiés.
Les Émirats arabes unis ont fait parvenir 60 tonnes d’aide humanitaire à l’Afghanistan suivis beaucoup plus modestement par l’Iran qui a dépêché un avion cargo.
Les États-Unis, qui ont dépensé 2 000 milliards de dollars en 20 ans de guerre n’ont pour leur part promis que 64 millions de dollars pour cette initiative onusienne. Amir Khan Muttaqi a donc ajouté à sa déclaration : « l’Émirat islamique [a] aidé les États-Unis en facilitant leurs évacuations » évoquant l’opération qui a permis d’évacuer plus de 123 000 personnes fin août lors d’un gigantesque pont aérien. Il a poursuivi : « mais au lieu de remerciements, ils parlent d’imposer des sanctions sur notre peuple ». Il faut reconnaître que le départ piteux des Américains a marqué les esprits des responsables politiques à Washington. La bataille politique qui va venir va être terrible.

Le 13 septembre, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a aussi invité la communauté internationale à dialoguer avec les taliban alors que de nombreux pays refusent de fournir directement de l’aide au nouveau gouvernement pour tenter de le faire plier : « si nous voulons faire progresser les droits de l’homme pour le peuple afghan, le meilleur moyen est d’aller de l’avant avec l’aide humanitaire [pour s’en servir comme d’un] levier [pour] tous les autres aspects qui préoccupent la communauté internationale ». Il a notamment cité le terrorisme, la drogue et les droits humains.

Les timides signaux envoyés par les taliban

Les taliban souhaitent aujourd’hui convaincre de la modération de leur manière de gouverner mais une partie des ministres désignés le 6 septembre(1) sont de nombreux caciques fondamentalistes en poste entre 1996 et 2001. Ils se sont engagés à agir de manière moins violente et rigoriste que lors de leur premier règne. Toutefois, ils ont également commencé à réprimer des manifestations organisées dans plusieurs grandes villes du pays.

Lors de la conférence de presse du ministre des affaires étrangères de l’Émirat islamique, ce dernier a appelé les délégations diplomatiques et ambassadeurs afghans présents à l’étranger à poursuivre leur travail. Or, tous ces personnels avaient été désignés par le précédent pouvoir. Il y aura certainement des changements mais pour l’instant, les taliban semblent souhaiter garder des canaux ouverts vers l’extérieur.

Kaboul va être l’objet d’une nouvelle guerre d’influence dans les mois et années à venir. L’Arabie saoudite contre l’Iran, le Pakistan contre l’Inde, la Russie, la Turquie et la Chine qui joueront leur propre partition, le Qatar contre les Émirat arabes unis (EAU) et l’Arabie saoudite… Ceux qui devraient être les moins actifs sont les Américains…

1. Voir « Afghanistan : Dernières nouvelles » du 13 septembre 2021.

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Texte

Alain Rodier

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