Tous les commentaires ont été fait sur la constitution du gouvernement « intérimaire » afghan annoncé le 7 septembre par les taliban. Les gouvernements occidentaux ont clamé leur indignation oubliant juste que tous étaient plus ou moins responsable de se passe puisque c’est la défaite militaire de l’OTAN - certes sur un « théâtre extérieur » aux zones théoriques de ses compétences - qui a amené à cette situation.

La Chine, le Pakistan, l’Ouzbékistan et le Qatar de leur côté ont approuvé la présentation de ce gouvernement. La Russie et l’Iran sont pour l’instant restés sur une prudente réserve. Aujourd’hui, les pays donateurs se réunissent à Genève pour examiner la suite. Ils fournissaient jusqu’à 75% des besoins financiers du précédent gouvernement.

Si le chef spirituel et idéologique (et l’autorité suprême un peu à l’image de l’ayatollah Ali Khamenei en République islamique d’Iran) est le mollah Haibatullah Akhundzada, le nouveau Premier ministre est le mollah Mohammad Hasan Akhund. Ce dernier fut le conseiller politique du mollah Omar (le fondateur des taliban) puis vice-ministre des Affaires étrangères et gouverneur de la province de Kandahar du temps du Califat islamique d’Afghanistan (de 1996 à 2001).

Le grand changement qui distingue les taliban du milieu des années 1990 de ceux d’aujourd’hui, c’est qu’ils ont appris à communiquer vers l’extérieur pour encore mieux parvenir à leurs fins. Ayant parfaitement compris que la communication est une arme essentielle d’influence, ils se jouent ainsi des responsables politiques occidentaux et de leurs médias pour faire avancer leurs intérêts. Ces derniers ne sont évidemment pas totalement dupes mais que peut faire le camp des vaincus ? Revenir en Afghanistan – ce qui serait sur le plan technique faisable mais psychologiquement totalement impossible, du moins pour l’instant -, affamer les populations (vieille tactique américaine qui n’a jamais donné de résultats tangibles) en coupant toute possibilité d’aide internationale mais le risque de provoquer de nouveaux flux migratoires serait alors important.

Certes, ce ne sont pas les États-Unis qui seraient alors directement impactés… De leur côté, les journalistes – surtout afghans pour le moment – apprennent que la liberté de la presse sous la nouvelle administration a ses limites sous peine de sanctions parfois physiques.

Après avoir annoncé la composition du gouvernement, les taliban ont demandé à Washington de débloquer l’accès aux réserves afghanes (environ huit milliards de dollars) sans suite pour l’instant. L’ambassadeur de Russie à Kaboul, Dmitri Zhirnov, a déclaré le 11 septembre que le nouveau gouvernement en place à Kaboul était confronté à des difficultés administratives et financières qui menacent de faire baisser drastiquement le niveau de vie dans le pays : « du fait que l’Occident a bloqué des fonds de l’Afghanistan, [alors que] les trois quarts du budget du gouvernement Ghani étaient constitués d’aides occidentales, nous pouvons en déduire que le niveau de vie pourrait chuter de 75% ».
Il a également mentionné des problèmes avec le personnel médical et la rémunération de leurs services : « les taliban demandent maintenant aux médecins de reprendre le travail. D’après ce que nous avons entendu dire par ces docteurs afghans, ils leur garantissent […] un salaire mensuel de trois mille roubles [environ 35 euros, ndlr] ».

Sur le fond, les taliban n’ont pas changé car la doctrine qui les conduit est toujours l’islam radical et sur ce plan, ils ne cachent pas leurs intentions. Le nouveau Premier ministre a ainsi déclaré : « je tiens à assurer à la nation islamique, particulièrement au peuple afghan, que nous voulons tout le bien possible, les causes du succès et du confort » partie applaudie par l’Occident qui a « oublié » de souligner la suite de la déclaration : « nous cherchons à établir un système islamique ».

Le 7 septembre, Akhunzada a affirmé pour sa part lors de sa première apparition depuis la prise de Kaboul que les taliban se conformeraient à toutes les lois, traités et obligations internationaux (applaudissements en Occident) dans la mesure où ils ne sont pas en opposition avec la loi islamique.

Désagréable surprise pour les observateurs occidentaux : il n’y a pas de femme ni de membre de l’opposition dans le nouveau gouvernement…
Sur 33 postes annoncés, 14 sont des anciens responsables de la dernière « législature » talébane (1996-2001), cinq sont des ex-pensionnaires de Guantanamo, les douze restants faisant partie de la dernière génération des taliban.

Première traduction de l’application de la charia (photo ci-dessus) : des femmes ont pu « visiter » l’université de Kaboul où elles ont applaudi à l’accession des taliban au pouvoir. L’une d’entre elles aurait déclaré entrant pour la première fois dans une l’université : « Enfin nous sommes dans un pays adapté aux femmes ».

Elles ne sont pas les seules à se réjouir de la situation parce que l’ex-major (commandant) américain Nidal Malik Hasan qui a assassiné le 5 novembre 2009 13 militaires US à Fort Hood (et blessé 32 autres) a demandé à son avocat de transmettre ses félicitations personnelles aux taliban pour leur retour. Rappel : son action terroriste avait été attribuée à Al-Qaida.

Bien d’autres se réjouissent de par le monde de la « bonne nouvelle ». Il est à craindre que, dans l’avenir, des fondamentalistes musulmans qui souhaitent vivre leur foi sous la bannière de l’islam ne rejoignent le Califat islamique d’Afghanistan. La suite est difficilement prévisible…

Enfin, Al-Qaida s’est rappelé aux bons souvenirs de la communauté internationale par un discours diffusé le 11 septembre. En fait, le seul élément vérifiable de cette vidéo (photo ci-dessus) de plus d’une heure permet d’affirmer que le leader d’Al-Qaida « canal historique », le docteur Ayman al-Zawahiri était vivant au début de l’année (certains observateurs pensaient qu’il était décédé en 2020).

Ce qui semble certain, c’est que les activistes de la nébuleuse vont être intégré dans le dispositif sécuritaire taleb, ce qui reste le meilleur moyen de les contrôler. Ensemble, ils devront lutter contre la wilayat Khorasan de Daech. C’est un argument que les taliban font valoir à la communauté internationale comme étant un de leurs « atouts ». Toutefois, ils n’ont pas vraiment le choix car Daech les considère comme des ennemis au même niveau que les Américains car ils ont « pactisé avec les mécréants ».

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