Veysel Filiz, ancien attaché de presse auprès de l’ambassade turque à Bruxelles, « turcologue » et « expert en politique étrangère », en fait lobbyiste de la coalition gouvernementale qui réunit l’AKP (Parti de la Justice et du Développement) au MHP (Parti d’action nationaliste) a été arrêté le 9 décembre à la frontière bulgare avec une centaine de kilos d’héroïne. L’affaire n’a été révélée que récemment pour les besoins de l’enquête. Son fils Fatih affirme qu’il s’agit d’un « complot » destiné à nuire à son père qui devrait être rapidement libéré.

Diplômé en turcologie de l’université de Strasbourg, Veysel Filiz promouvait le régime du président Recep Tayyip Erdoğan en Europe. Il se présentait comme un « expert en politique étrangère ». En 2004, soit deux ans après l’arrivée de l’AKP au pouvoir – qu’il n’a plus quitté depuis -, Filiz avait été nommé vice-président du Cojep (Conseil pour la justice l’égalité et la paix), une association défendant les intérêts des citoyens turcs vivant en Europe.

En 2014, il avait été désigné comme attaché de presse de l’ambassade de Turquie à Bruxelles. En fait, il se renseignait surtout sur les opposants au régime turc en Europe, en particulier sur les Kurdes. En 2017, il aurait été déclaré « persona non grata » suite à une enquête qui aurait démontré qu’il avait menacé des activistes de l’opposition turque (particulièrement des Kurdes) vivant en Europe en utilisant des comptes sociaux enregistrés sous de fausses identités.

Cependant cela n’avait pas interrompu ses activités en Europe qui consistait à mobiliser les groupes islamo-nationalistes turcs. En mars 2020, il avait été nommé porte-parole de l’ « Initiative musulmane européenne pour la cohésion sociale » (« European Muslim Initiative for Social Cohesion », EMISCO). Fin octobre, la page Facebook de l’EMISCO publiait une intervention de Filiz dans laquelle il fustigeait « l’islamophobie du gouvernement Macron ». Cette même association avait d’ailleurs relayé l’appel du régime d’Erdoğan au boycott de la France.

Reste à connaître les dessous de cette affaire, le régime turc entretenant des relations troubles avec le crime organisé dont Alaattin Çakıcı un des parrains (Baba) a recouvré la liberté en début d’année (voir mon article du 02/11/2020 : « Turquie. Le retour des anciens caïds aux affaires »). Ce qui est certain, c’est que les mafias turques contrôlent le transport de héroïne afghane à destination de l’Europe via ce qui s’appelle traditionnellement le « route des Balkans ».

 

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Alain Rodier

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