Le 19 février après plusieurs accrochages ayant coûté la vie à des soldats turcs, le président Recep Tayyip Erdoğan avait prévenu Damas qu’il allait lancer une offensive dans la province d’Idlib. « Il s’agit de nos dernières mises en garde […] Nous sommes déterminés à faire d’Idlib une région sûre pour la Turquie et les populations locales, quel qu’en soit le prix ». Le dernier bombardement – présumé syrien – dans la nuit du 27 février (mais curieusement, l’aviation syrienne n’a pas de capacités de combat nocturne) contre un convoi turc au sud de la localité d’Idlib qui a fait 34 morts a entraîné la riposte d’Ankara via l’opération « Bouclier du Printemps » qui suit les trois précédentes, « Bouclier de l’Euphrate » puis « Rameau d’Olivier » et « Source de paix ». Elle est directement commandée par Hulusi Akar, le ministre turc de la Défense (précédemment chef d’état-major général). Les forces turques ont multiplié les frappes contre les unités syriennes revendiquant la destruction de huit hélicoptères, de 103 chars, de 75 transports de troupes, de 72 pièces d’artillerie, de trois systèmes de défense anti-aérien et de la neutralisation de 1.212 militaires. On ne peut qu’être étonné par la précision de ces chiffres qui sont certainement très exagérés par souci de propagande. Toutefois, 12 membres du Hezbollah libanais et une vingtaine de combattants des brigades afghane Fatemiyoun et pakistanaise Zeynabiyoun auraient été aussi tués, ce qui ne va pas faire plaisir à Téhéran. Erdoğan a affirmé le 1er mars que « sept entrepôts de produits chimiques » avaient été ciblés ce qui peut être inquiétant. En fait, il s’agirait d’usines d’armements classiques situées dans la région d’Alep. Akar a précisé que le but de « Bouclier du printemps » était de « mettre fin aux massacres du régime [de Damas] et d’empêcher une vague migratoire [vers la Turquie] ». Et de préciser qu’Ankara n’a « ni l’intention, ni l’envie d’entrer dans une confrontation avec la Russie ». Erdoğan a surenchéri « Nous ne sommes pas en Syrie pour convoiter leurs terres ou bien le pétrole, nous sommes en Syrie pour la sécurité de notre frontière. […] Nous ne sommes pas là-bas en tant qu’invité d’Assad » Il poursuit d’une manière stupéfiante : « Nous sommes là-bas en tant qu’invité du peuple syrien. Nous n’avons pas l’intention de quitter cette région tant que la population syrienne n’aura pas dit ‘C’est bon le travail est fini’ ».

En réponse, l’état-major syrien a fermé l’espace aérien au-dessus de la province d’Idlib mais deux ou trois des ses Su-24 syriens auraient été abattus alors qu’un drone turc a connu le même sort. Les Russes ont annoncé dimanche qu’il ne garantissait plus la sécurité des vols au dessus de la province d’Idlib… La suite de la bataille dépend entièrement de la décision du président Poutine qui doit recevoir son homologue turc à Moscou le 5 mars. Le ton est actuellement à la désescalade mais tout reste possible. Il n’empêche que les forces syriennes qui ont été durement touchées et désorganisées dans la région ne sont plus en mesure de poursuivre leur offensive pour libérer Les autoroutes M4 et M5.

La situation délétère a provoqué – avec l’accord d’Ankara – l’afflux de milliers de réfugiés au point de passage de Pazarkule (Kastanies, côté grec) alors que plusieurs embarcations transportant des migrants sont arrivées sur les îles de Lesbos et Samos. Face à cette situation, l’agence européenne Frontex a rehaussé son niveau d’alerte et l’Union européenne a demandé une réunion d’urgence de ses ministres de l’Intérieur.

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Alain RODIER

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