Depuis ces dernières semaines, les shebabs somaliens (affiliés à al-Qaida « canal historique ») ont mené une série d’attaques dans l’est du Kenya, tout particulièrement dans le comtés de Mandera. Des opérations terroristes ont aussi eu lieu dans celui de Lamu situé plus au sud.
Déjà, en janvier, les shebabs avaient attaqué un bus civil sans cette dernière région en assassinant trois passagers. Le 12 mai, trois policiers réservistes ont été tués par les shebabs lors d’un assaut lancé contre une antenne-relais dans le comté de Mandera. Deux jours auparavant, un accrochage avait eu lieu dans celui de Lamu, les shebabs tentant déjà de détruire un relais de télécommunications.
Le 18 mai, au moins huit militaires kenyans ont été tués et douze autres blessés lors d’une embuscade qui a mis en oeuvre des engins explosifs improvisés (IED) sur l’axe principal du comté de Lamu. Les terroristes ont revendiqué vingt tués dans les forces de l’ordre. Il est commun pour des unités en guerre de gonfler les pertes de l’ennemi. Les shebabs n’échappent pas à cette action de propagande destinée à terroriser l’adversaire et galvaniser leurs troupes.
Peu après, les Forces de défenses kenyanes (KDF) ont lancé une vaste opération dans la forêt de Boni, un repaire de longue date des shebabs dans le comté de Lamu. Aucun bilan de cette opération n’a été dévoilé, ce qui laisse à penser qu’elle n’a pas eu le succès escompté.
Le 21 mai, trois policiers kényans ont été tués par un IED dans le comté de Mandera. La revendication des shebabs dit : « les moudjahiddines ont tué 13 croisés kenyans lors d’une embuscade dans la région de Mandera. Douze ont été tués dans une explosion et le treizième a été abattu par un moudjahiddines ».
Au début de l’année, Ali Roba, le gouverneur du comté de Mandera avait reconnu : « les shebabs ont pris le contrôle de 50% des territoires situés au nord du Kenya […] dont 60% dans le comté de Mandera avec l’accord des populations influencées par la terreur ». Dans cette zone, de nombreuses écoles ont été fermées en raison de la fuite d’enseignants de plus en plus pris pour cibles. Les déplacements sont devenus extrêmement difficiles mettant les populations à la merci d’embuscades ou d’IED.
Les antennes relais de téléphonie mobile sont régulièrement détruites, la stratégie des shebabs consistant à isoler au maximum le nord du Kenya, particulièrement en coupant les moyens de communications.
Sachant que le sud de la Somalie est déjà hors de contrôle, il semble que les shebabs sont en passe d’établir un repaire de jihadistes situé à cheval sur la frontière dans cette région en prenant soin de ne pas renouveler l’erreur de leur concurrent Daech : officialiser un pseudo « califat » qui attirerait trop l’attention à l’international.
Le Kenya qui partage une longue frontière disputée (qu’elle soit terrestre ou maritime(1)) avec la Somalie a déjà été durement frappé à plusieurs reprises par les shebabs, en particulier depuis qu’il y a envoyé des troupes pour les combattre en 2011. Les attaques les plus marquantes ont eu lieu contre le centre commercial Westgate (2013, 67 morts), contre l’université de Garissa (2015, 148 morts) et le complexe hôtelier Dusit à Nairobi (2019, 21 morts). De nombreuses autres actions terroristes de moindre envergure visent régulièrement des membres des forces de l’ordre et des civils près de la frontière. L’insécurité latente, la marginalisation des populations locales, le défaut de services publics et le sentiment de terreur entretenue par les shebabs dans la région rendent la vie de ses habitants extrêmement difficile.
Al-Qaida « canal historique » y trouve son compte car, après l’Afghanistan, le Sahel et dans une bien moindre mesure le Yémen, la Somalie (et la partie est du Kenya) sont les seuls zones d’opérations où la nébuleuse parvient à concurrencer Daech.
1. Nairobi et Mogadiscio entretiennent des relations politiques houleuses depuis des années. Pour le moment, rien ne semble pouvoir les arranger au désespoir de la communauté internationale.
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