Il y a presque un quart de siècle, le mafieux Franco Cataldo enlevait le fils âgé de douze ans de Giuseppe di Matteo qui avait témoigné à charge contre la mafia sicilienne en tant que « repenti » (en France, un « témoin de justice »). Il a abusé de lui et l’a torturé durant deux ans avant finalement de l’étrangler et de le dissoudre dans de l’acide (la disparition d’un corps est appelée la lupara bianca par les mafias italiennes). Il a été condamné à la perpétuité pour ces actes monstrueux. Mais, depuis le déclenchement du Covid, les autorités craignaient que les prisons ne deviennent des foyers d’infection (les « cluster »). En mai, Cataldo a bénéficié avec 373 autres détenus, d’une libération exceptionnelle tout en étant assigné à domicile. Parmi les « boss » également libérés (aussi assignés à domicile) se trouvent Francesco Bonura qui était un des lieutenants de Bernardo Provenzano, le Capo du Tutti Capi sicilien (chef de la coupole qui rassemble tous les clans mafieux siciliens) décédé en prison en 2016 et le sanguinaire Vincenzo Iannazzo, membre de la ‘Ndrangheta, désormais considérée comme la mafia la plus riche et la plus puissante du monde. Toutefois, devant les protestations unanimes, Cataldo n’est resté que quelques jours en liberté et a réintégré sa cellule à Naples pour poursuivre sa peine.
Les mafias italiennes profitent largement de la pandémie pour accroître leurs activités de racket et de contrefaçons, en particulier de masques et solution hydroalcooliques quand ce ne sont pas des respirateurs artificiels. Il y a bien longtemps que les mafias ont pénétré le monde médical italien et la pandémie a encore permis d’accroître cette influence. La Camorra de Naples et Cosa Nostra s’en sont fait une spécialité. Les sociétés de retraitements de déchets et des pompes funèbres sont aussi très appréciées des organisations criminelles et, le fait qu’elles aient tourné à plein régime au printemps 2020 a constitué un apport financier non négligeable pour ces dernières.
Selon l’OCDE, les trois quarts de sociétés italiennes ont été impactées par la crise économique qui accompagne la Covid. Beaucoup ont des besoins d’argent frais et les mafias en profitent pour leur en prêter et parfois racheter des petits commerces au bord de la faillite. Les démarches à effectuer sont beaucoup plus rapides et plus simples que lorsqu’il faut s’adresser aux banques officielles et à l’État. Les emprunteurs ne se rendent pas compte qu’ils sont ensuite condamnés à rembourser à vie tant les intérêts exigés sont disproportionnés. Un témoin dont l’identité reste secrète par mesure de sécurité, a ainsi emprunté 55.000 $ en avril. Les intérêts demandés sont déjà de 170.000 $ et augmentent en fonction des retards de paiements qui s’accumulent. Dans le même domaine, les mafias avaient eu l’intelligence de suspendre les remboursements des prêts consentis avant la crise sanitaire. Depuis le redémarrage de l’économie, ces remboursements ont repris augmentés de nouveaux intérêts… Il est hors de question pour les « clients » des mafias de se rebeller car on leur fait savoir que l’on sait où se trouvent femme, enfants et parents proches. Le premier avertissement, c’est de la glue dans la serrure de l’entreprise ou/et du domicile, le deuxième, un incendie criminel du véhicule du contrevenant, le troisième…
Le gouvernement italien a débloqué 435 milliards de $ depuis avril pour tenter d’endiguer la crise économique. Une partie de ces fonds a déjà été récupérée par des mafias via des sociétés écran (par exemple, celles rachetées à bas prix depuis le début de l’année).
Le problème avec la pieuvre est qu’elle s’adapte toujours à la situation du moment, l’objectif étant de faire de l’argent facile. Par exemple, elle a totalement infiltré l’écologie (en particulier les énergies vertes qui nécessitent des achats de terrains importants, particulièrement en Sicile et dans le sud de l’Italie) car elle a senti qu’il y aurait, à terme, des bénéfices importants à faire. Ce ne sont pas les éoliennes et les panneaux solaires qui l’intéressent mais les tractations immobilières, l’attribution des chantiers et les aides étatiques et européennes !
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