Faisant suite à l’importante opération policière menée par la Garde civile espagnole soutenue par Europol le 12 avril 2023 qui a démantelé le « clan Farruku », une des Organisations criminelles transnationales (OCT) albanaises très importante présente en Albanie mais aussi en Espagne, en Italie, aux Pays-Bas et dans le port belge d’Anvers(1), un coup de filet général a eu lieu le 3 mai à travers toute l’Europe.

L’enquête aurait connu un coup d’accélérateur quand les policiers ont eu accès à des échanges faits à partir de téléphones portables cryptés qui utilisaient les logiciels EncroChat et SkyECC aujourd’hui fermés.

À savoir qu’Eric Van Duyse, le porte-parole du parquet fédéral belge, a annoncé le 3 mai qu’une vaste opération policière baptisée « Eureka » avait été conduite dans huit pays européens : Italie, Allemagne, Espagne, Portugal, Slovénie, Roumanie, Belgique et France. 2.700 policiers ont participé à cette opération qui a conduit à l’arrestation de 132 membres présumés de la ‘Ndrangheta. Il a particulièrement déclaré : « il s’agit sans doute de la plus grande opération jamais menée en Europe contre la mafia calabraise. »

En Belgique, treize personnes ont été interpelées, dont sept faisaient l’objet d’un mandat d’arrêt européen émis par la justice italienne. Les activités criminelles suspectées en Belgique sont « la participation à plusieurs transports de cocaïne (depuis l’Amérique latine), et le blanchiment du produit de ces transports par l’intermédiaire de plusieurs entreprises légales. »

En Allemagne, de nombreuses perquisitions ont été menées selon les autorités des Länder de Bavière, de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, de Rhénanie-Palatinat et de Sarre.

En août 2007, un épisode sanglant avait mis en lumière l’implantation de la ‘Ndrangheta dans le pays: Six Italiens âgés de 16 à 39 ans membres d’un des deux clans de San Luca – les Strangio-Nirta contre les Pelle-Vottari-Romeo – avaient été tués par balles devant le restaurant italien « Da Bruno » à Duisbourg. Ce massacre était une vendetta après l’assassinat fin 2006 de Maria Strangio, l’épouse de Giovanni Nirta, chef du clan Strangio-Nirta.

Europol, qui a coordonné les différentes forces de police impliquées a indiqué que les autres pays concernés lors de cette opération en Amérique latine étaient le Brésil et le Panama.

Selon le parquet, l’opération visait la ‘Ndrangheta qui est impliquée dans de vastes trafics de cocaïne latino-américaine à destination de l’Europe occidentale. Rien que d’octobre 2019 à janvier 2022, elle aurait ainsi importé au moins 25 tonnes de cocaïne.

La cocaïne sud-américaine transitait par les ports de Gioia Tauro (Calabre) et Anvers (Belgique) mais aussi d’autres ports en Allemagne, en Espagne et aux Pays-Bas (Rotterdam), grâce aux accords noués par la ‘Ndrangheta avec des OCT latino-américaines dont le Clan du Golfe colombien (ex- « Los Urabeños » issu des milices d’extrême-droite colombiennes). Un autre groupe criminel de souche albanaise opérant en Équateur et en Europe est aussi impliqué.

Les policiers ont aussi découvert la proposition de la ‘Ndrangheta de fournir à la principale organisation criminelle brésilienne, le « Primeiro Comando da Capital (PCC) » des armes de guerre en utilisant l’intermédiaire de Pakistanais. La contrepartie prévoyait l’acheminement de grandes quantités de drogues au port de Gioia Tauro.

Le souci des OCT étant le blanchiment des bénéfices obtenus de leurs différents trafics, l’argent gagné était été réinvesti, entre autres, dans le secteur immobilier, des hôtels, des restaurants et des supermarchés, notamment en Allemagne, en Belgique, en Italie, au Portugal, au Brésil, en Uruguay et en Argentine.

Si la menace terroriste est toujours présente ainsi que le risque de subversion violente venant de différents milieux, celle qui reste – de très loin – la plus importante pour les sociétés occidentales est fondamentalement celle représentée par le crime organisé. Il ne cherche pas à prendre le pouvoir mais à prospérer dans son ombre en nouant des alliances mondiales. Sa capacité de nuisance est aussi grande que les sommes d’argent qu’il manipule. Elles lui permettent de corrompre des personnalités de la société civile et de s’y installer avec des apparences de légalité.

Il semble que les autorités européennes ont pris la mesure de ce risque et, discrètement font tout pour y parer. Mais la pieuvre continue à se régénérer même avec des tentacules coupées.

1. Voir : « ESPAGNE : clan mafieux albanais démantelé » du 24 avril 2023.
2. Voir : « Liens entre la ‘Ndrangheta et le Cartel de Jalisco nouvelle génération » du 28 avril 2023.

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Texte

Alain Rodier