La justice iranienne a condamné le 26 février l’opposant Jamshid Sharmahd à être pendu pour « corruption sur la terre ». Ce citoyen irano-allemande (mais Téhéran ne reconnaît pas la double nationalité) âgé de 67 ans vivait en exil aux États-Unis(1).

En juillet 2020, alors qu’il était en transit à Dubaï avant de rejoindre, il avait mystérieusement disparu. Sa famille avait pu reconstituer une partie de son parcours grâce à la géolocalisation de son téléphone portable. Il serait passé clandestinement à Oman (la frontière était alors fermée en raison de la Covid-19) d’où il aurait pris « de son propre chef » un navire qui aurait rejoint l’Iran. Il est vraisemblable qu’il a été l’objet d’un enlèvement puis d’une exfiltration menée par les services secrets iraniens dont la mission première reste toujours de pourchasser les opposants au régime, aussi bien à l’intérieur qu’à l’étranger.

Cette manière de procéder n’est pas nouvelle puisque l’opposant Rouhollah Zam qui résidait en France avait « disparu » lors d’un déplacement en Irak en octobre 2019. Il avait ensuite été jugé puis pendu le 12 décembre 2020(2).

Cela devient très inquiétant dans la mesure où cela tend à prouver que les services secrets iraniens du Ministère du Renseignement de la république islamique d’Iran (ou VAJA plus connu sous son ancien sigle VEVAK) et des pasdarans bénéficient d’informateurs bien placés au sein des mouvements d’opposition installés à l’étranger. En effet, ces affaires d’enlèvement ne s’improvisent pas et nécessitent d’avoir des renseignements bien en amont. Par exemple, pour Jamshid Sharmahd, il fallait connaître à l’avance les détails de son déplacement vers l’Inde, son lieu d’hébergement alors qu’il était en transit à Dubaï tout en préparant minutieusement son exfiltration discrète vers l’Iran via Oman…

Iran affirme que Jamshid Sharmahd est le dirigeant du mouvement monarchiste « terroriste » « Tondar », un groupuscule d’opposition basé aux États-Unis qui souhaite restaurer la monarchie en Iran et porte aussi le nom d’Assemblée du Royaume d’Iran – Kingdom Assembly of Iran, KAI -, a été fondé en 2004. Il combat le régime en place à Téhéran mais ne reconnaîtrait pas la légitimité du fils du Shah, Réza Pahlavi.
Jamshid Sharmahd est notamment accusé par la cour révolutionnaire de Téhéran d’avoir programmé 23 actions « terroristes » dont cinq avaient abouti dont l’attentat de 2008 dirigé contre une mosquée à Chiraz qui avait fait 14 morts et 215 blessés.
Selon Amnesty International, Sharmahd a fondé un site web qui publie les déclarations et les revendications du Tondar. Il servait également comme porte-parole à la radio et sur des vidéos. Il a toujours nié son implication directe dans les attaques attribuées au groupe par Téhéran.

La ministre des Affaire étrangères allemande, Annalena Baerbock, a condamné la sentence et deux diplomates iraniens en poste à Berlin ont été priés de quitter l’Allemagne dans les plus brefs délais. Elle a précisé qu’« appliquer la peine de mort à Mr Sharmahd provoquerait une réaction forte ».

À noter que cette peine survient un mois après que le citoyen Britannico-iranien Alireza Akbari ait été exécuté pour espionnage au profit de Londres(3).

Il a pu communiquer téléphoniquement par deux fois avec sa famille en 2022 se plaignant de ses conditions de détention – particulièrement à l’isolement – et affirmant avoir été torturé (ce qui permet d’obtenir des aveux).

1. Voir « Téhéran détiendrait une pièce maîtresse dans la guerre qui l’oppose à Washington » du 11 août 2020.
2. Voir : « IRAN : un opposant pendu » du 15 décembre 2020.
3. Voir : « IRAN : Pendaison d’un ‘espion’ travaillant pour les Britanniques » du 16 janvier 2023.

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Texte

Alain Rodier

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