Les autorités iraniennes ont annoncé avoir arrêté Jamshid Sharmahd, le responsable du « Comité du Royaume d’Iran » dit « Tondar » (Tonnerre), bras exécutif de l’ »Assemblée du Royaume d’Iran », Anjoman-e Pâdeshâhi-ye Irân. un groupuscule d’opposition iranien en exil fondé en 2004 qui combat le régime en place à Téhéran mais ne reconnaîtrait pas la légitimité du fils du Shah, Réza Pahlavi. Ce mouvement est accusé par le ministère du renseignement iranien d’avoir été impliqué dans l’attentat de 2008 dirigé contre la mosquée Husayniyah Sayyid al-Shuhada à Chiraz qui avait fait 14 morts et 215 blessé. Trois protagonistes supposés (deux étudiants et un ouvrier) avaient été pendus en 2009 pour cette affaire. La version de Tondar qui a revendiqué l’opération est que l’attaque visait le quartier général de la milice Basidji de Chiraz.
Le fondateur de ce mouvement, Fathallah Menhujri alias Frode Folland, et deux de ses proches ont disparu en 2007, sans doute victimes des services secrets iraniens dont la première mission est de traquer l’opposition en exil. Le problème pour Washington réside dans le fait que Sharmahd réside à Los Angeles et qu’il détient la double nationalité irano-américaine (les Iraniens ne reconnaissant pas ce statut, pour eux, il est seulement iranien) ce qui en fait un objet de chantage prioritaire privilégié contre Washington.

Né le 23 mars 1955 dans une famille germano-iranienne. Jamshid Sharmahd quitte définitivement l’Iran en 1983 pour s’installer en Allemagne avec sa famille. En 1989, il est diplômé ingénieur et il travaille alors pour Siemens AG, Bosch, Volkswagen, EADS, etc. En 1997, il fonde sa société Sharmahd Computing GmbH et ouvre une filiale à Los Angeles en 2002. En 2003, il s’installe définitivement avec son épouse et ses deux enfants aux États-Unis où il obtient la nationalité américaine.
En 2004, il utilise ses compétences professionnelles pour monter un site d’opposition monarchiste au régime des mollahs, tondar.org. En 2007, il crée la « radio Tondar ». Ces deux organes de communications ne se contentent pas de se livrer à de la propagande mais aussi à diffuser des messages à caractère militaire. Ils sont très suivis par la jeunesse iranienne en exil. Bien que considéré comme un groupuscule, Tondar est désigné comme l’ »ennemi numéro un » du régime, même avant les Moudjahiddines du peuple (MEK) pourtant beaucoup plus importants en taille et en moyens. Il est accusé d’avoir participé aux immenses manifestations qui ont suivi la réélection d’Ahmadinejad en 2009 (mouvement vert). Au moins 150 manifestants ont été tués lors de ces évènements. Onze membre du Tondar seront jugés et deux proches de Sharmahd exécutés en 2010.
Selon le communiqué du ministère des Renseignements du 1er août, Tondar prévoyait de lancer plusieurs opérations terroristes comme faire exploser le barrage de Sivand à Chiraz ou le sanctuaire du fondateur de la République islamique d’Iran, le grand Ayatollah Khomeiny à Téhéran. Cela permet à Téhéran de retourner l’accusation de « terrorisme » contre Washington qui ne se prive pas de même vis-à-vis de l’Iran. Ainsi, le ministère des Affaires étrangères iranien a déclaré : « Ce régime [Washington] doit répondre de son soutien à ce groupe terroriste et à d’autres groupes (…) qui orchestrent des opérations armées et de sabotage contre le peuple iranien depuis l’Amérique et versent le sang des Iraniens ». Il est vrai que les incendies et explosions suspects se succèdent cette année en Iran. Pour une partie d’entre eux – au moins ceux frappant le complexe militaro-industriel et nucléaire -, les radicaux iraniens y voient la main des « Grand et petit Satan », Israël et les États-Unis. D’autre part, ce n’est un mystère pour aucun observateur que de nombreuses « associations » américaines soutiennent tous les opposants au régime des mollahs, quelque soient leurs obédiences et leurs moyens d’action.
Il y a longtemps que les autorités américaines sont les gourous de la politique d’influence (en gros, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale) en utilisant des organismes soit disant « privés » -mais en partie financés par le Congrès, comme coupe-feux pour plus de discrétion.

Personne ne sait comment Jamshid Sharmahd s’est retrouvé détenu en Iran. Cela rappelle l’opération clandestine qui a permis d’enlever à Bagdad en octobre 2019 Rouhollah Zam, un opposant iranien réfugié en France durant sept ans. En février, ce dernier a été condamné à la peine capitale et attend son exécution que seul le Guide suprême de la Révolution peut commuer en prison à perpétuité.
Selon l’Agence France Presse, l’Iran détiendrait actuellement au moins cinq Américains (qui ont souvent la double nationalité) tandis que quelques dix-huit Iraniens seraient emprisonnés aux États-Unis. Depuis que le président Donald Trump a dénoncé en 2018 l’accord JCPOA (de 2015) portant sur le nucléaire iranien, fort curieusement de nombreuses arrestations et condamnations d’Iraniens ont eu lieu aux États-Unis. Des échanges de prisonniers entre les deux pays qui n’entretiennent pas de relations diplomatiques depuis 1979 ont bien eu lieu. Mais la situation se crispant considérablement, Téhéran a une longueur d’avance. Le régime des mollahs n’hésite pas à pendre les « espions », les « terroristes » et autres trafiquants de drogues. Vis-à-vis de la peine capitale et à titre d’exemple, même si le président Donald Trump est loin d’y être opposé ayant clairement insisté pour que le poseur de bombe du marathon de Boston, Dzhokhar Tsarnaev, soit exécuté (son cas doit passer devant la cour d’appel), on le voit mal envoyer « à la piqûre » un agent des services iraniens qui n’aurait pas commis de crime de sang. Téhéran n’est pas animé des mêmes « pesanteurs sociologiques » dans la mesure où cela peut servir ses intérêts. Cette menace est une pièce maîtresse dans le jeu (mortel) que livrent les États-Unis et l’Iran aujourd’hui.

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Alain RODIER

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