Les taliban arrivés au pouvoir en Afghanistan en août 2021 avaient promis qu’ils mettraient fin à la violence. Huit mois plus tard, cela relève toujours du « vœux pieux » les attentats imputés à Daech ajoutés aux interventions militaires pakistanaises se multiplient.

Ainsi, le 16 avril, l’armée pakistanaise a effectué des tirs d’artillerie sur l’est de l’Afghanistan causant la mort d’une cinquantaine de personnes. Par ailleurs, l’armée de l’air pakistanaise multiplie les incursions au dessus du territoire afghan. Islamabad reproche à Kaboul de ne rien faire pour contrôler les groupes terroristes dont le plus puissant est le Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP), qui mènent des opérations en territoire pakistanais depuis leur repaire afghan.

Ces groupes veulent renverser le pouvoir en place à Islamabad. Ce dernier a constamment mené la politique à double facette dite des « bons taliban » pour ceux que l’Inter-Services Intelligence -ISIS- a aidé à prendre Kaboul, et les « mauvais taliban » (TTP) qu’il combat.

Il convient de reconnaître que malgré les déclarations du ministre de la défense, le mollah Mohammad Yaqoob (le fils aîné de feu le mollah Omar) assurant que l’Afghanistan ne servirait pas de zone refuge pour des groupes terroristes, historiquement la région frontalière afghano-pakistanais n’a jamais été contrôlée par quelque autorité étatique que ce soit. De plus, les taliban en place à Kaboul, leurs « frères » pakistanais ne sont pas vraiment le problème du moment. En effet, c’est Daech qui les inquiète au premier chef.

Il faut avoir présent à l’esprit que Daech ne reconnaît pas l’autorité religieuse des taliban comme le fait Al-Qaida. En conséquence, pour Daech les taliban (qu’ils soient « bons » ou « mauvais ») sont des ennemis à combattre. Pire encore sont les chiites (10 à 20% de la population afghane, particulièrement les Hazaras. Pour Daech, les chiites sont des « apostats », c’est-à-dire de traîtres à l’islam. Enfin, la période du ramadan est privilégiée pour lancer des opérations terroristes car les martyrs sont alors encore plus récompensés pour leurs actions en ce temps béni.
Le bras armé de Daech en Afghanistan est « l’État islamique – Province de Khorasan (ISKP) » qui est l’une des wilayat les plus active en dehors du noyau central situé à cheval sur l’Irak et la Syrie.

Le 19 avril, selon Khalid Zadran, le porte-parole de la police de la capitale afghane, deux explosions ont fait six morts et onze blessés à Kaboul, dans le quartier de Dasht-e-Barchi. Elles ont eu lieu à côté de l’école Abdul Rahim Shahid. Les victimes sont des musulmans chiites. Des témoins oculaires ont déclaré que trois explosions avaient été entendues et que deux d’entre elles visaient des centres éducatifs dans la zone de Dasht-e-Barchi, située dans l’ouest de Kaboul. D’après eux, le bilan serait plus élevé qu’annoncé. Aucun groupe ou individu n’a revendiqué la responsabilité de l’attentat mais des écoles et des centres éducatifs chiites ont par le passé été attaqués dans ce quartier qui abrite des membres de la minorité hazara. Le groupe État islamique en avait alors revendiqué la responsabilité.

Le 21 avril quatre attentats ont eu lieu quasi simultanément dans le pays. Le plus meurtrier a visé une mosquée chiite à Mazar-i-Sharif dans le nord du pays faisant au moins seize tués. Daech a revendiqué cette attaque.
En plus, le groupe terroriste a revendiqué un attentat au vélo piégé à Kundunz (quatre morts) dans le nord du pays. Les taliban auraient aussi été attaqués dans la province du Nangarhar, dans l’est, lorsque l’une de leurs voitures a sauté sur une mine. Enfin, un engin explosif improvisé a explosé à Kaboul blessant deux civils.

Le 22 avril, au moins une trentaine de personnes ont été tuées (et près d’une quarantaine d’autres blessées) à la suite d’une une explosion dans une mosquée dans la province de Kunduz. Cette explosion est survenue dans le district d’Imam Sahib peu après les prières du vendredi. Un témoin a déclaré : « les victimes ont été transportées vers l’hôpital de district. Le bilan pourrait encore augmenter car un grand nombre de blessés restent dans un état critique ». Aucun groupe n’a revendiqué cet attentat jusqu’à présent.

Incontestablement, L’organisation terroriste Daech remonte progressivement en puissance et va devenir de plus en plus agressive dans les temps à venir. Elle avait eu un « coup de mou » après sa défaite militaire en Irak et en Syrie (2017, 2019) et la neutralisation en Syrie par les forces spéciales américaines de ses deux premiers califes. Ses dirigeants ont compris qu’il convenait de mener une guerre asymétrique et ils ont lancé la campagne « pour venger ses deux cheikhs »(1) qui a déjà des répercutions dans toutes les wilayats. Il est probable qu’attirés par un « vent de victoire », les volontaires vont revenir au sein de Daech car ils considèrent cette organisation comme plus « motivante » qu’Al-Qaida « canal historique ».

1. Voir : « Menaces de Daech sur l’Europe ? » du 20 avril 2022.

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Texte

Alain Rodier

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