Alors que la menace terroriste islamiste radicale sur l’Europe semblait s’être estompée avec le temps, une déclaration de Daech publiée le 17 avril la remet sur le devant de la scène. Mais il y a une différence entre que veulent faire les activistes et ce qu’ils peuvent faire. D’ailleurs, pour le moment aucun pays européen n’a relevé son niveau d’alerte.

Abou Omar al-Mouhajir, le porte parole officiel de l’État Islamique a utilisé la messagerie cryptée telegram pour déclarer le 17 avril : « Nous annonçons, en nous appuyant sur Dieu, une campagne bénie pour se venger [de la mort du chef de l’EI] ». En clair, Daech lance une « campagne » destinée à venger le calife Abou Ibrahim al-Hachimi al-Qourachi et son porte parole Abou Hamza al-Qourachi neutralisés par les Américains en février 2022 dans la province d’Idlib au nord-ouest de la Syrie.

Ce communiqué appelle à des attaques en Occident : « prenez exemple sur vos frères qui ont attaqué à Beit al-Maqdis [en référence aux derniers actes terroristes en Israël(1)] […] saisissez l’opportunité, les croisés se font la guerre [en Ukraine]… on implore Allah que cette guerre dure pour qu’ils goûtent ce que les musulmans ont goûté par leurs mains […] L’arrogance et la barbarie des Russes et leur tentative de restaurer la gloire de l’URSS … a poussé Européens et les Américains a entrer en guerre et à impliquer les autres pour qu’ils ne soient pas seuls à payer le prix ».

Par ailleurs, il cite nommément les prouesses de la province de l’État Islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP) et appelle à la délivrance des captifs par la force ou par la négociation. Pour rappel, c’est l’ISWAP qui pose aujourd’hui le plus grand problème sécuritaire au Sahel même s’il ne faut pas oublier les autres protagonistes que sont les éléments liés à Al-Qaida « canal historique ».
Il critique vertement ceux qui ont « déserté » Daech en les appelant à revenir dans les rangs. Cela démontrer des problèmes de recrutement que rencontrerait ce mouvement, ce qui n’est pas une mauvaise chose.

Il appelle les musulmans à rejoindre le jihad en fustigeant les efforts de normalisation de leurs dirigeants politiques « avec les juifs », faisant vraisemblablement référence aux accords d’Abraham. Pour lui, « Jérusalem ne sera reconquise que par les moudjahiddines ».

Vieux poncif, il rappelle le combat et l’animosité entretenue avec les chiites qui sont considérés encore plus « bas » que les « mécréants » car ils sont des « traîtres à l’islam », ces derniers n’étant que des « ignorants ».

Enfin, il appelle les musulmans à se rebeller contre la démocratie et aux mécréants : « le combat est pour que la parole d’Allah soit la plus haute…pour la destruction de toute les lois des hommes…voilà pourquoi on combat ». Pour ces adversaire, pour lui ils n’ont qu’une chance de salut : « convertissez vous».

Si l’Europe n’a pas (encore) été touchée, d’autres pays ont été ciblés dans cette « campagne de vengeance pour les deux Cheikhs » : l’Irak où un « espion » a été assassiné le 18 avril, l’Ouzbékistan qui a été ciblé le 19 dans la région de Termez par dix roquettes vraisemblablement tirées depuis le territoire afghan voisin ; le même jour un attentat à l’engin explosif improvisé (IED) a lieu au sud de Sabha en Libye (un mort, plusieurs blessés) puis dans la nuit qui suivait, une église et des maisons ont été incendiées dans un village de la région de Borno au Nigeria.
À chaque reprise, la revendication immédiate faisait référence à la campagne de la « vengeance pour les deux Cheikhs ».

Daech, état des lieux

Le troisième « calife » de Daech Abou Hassan al-Hachimi al-Qourachi est resté très discret jusqu’à maintenant. Le sort de ses deux prédécesseurs localisés et neutralisés par les Américains le pousse certainement à la prudence.

Le califat autoproclamé en 2014 à cheval sur la Irak et en Syrie a été détruit suite aux interventions militaires successives dans ces deux pays en 2017 puis 2019. Mais s’il n’existe plus de structure étatique, Daech est toujours présent dans cette région le nombre d’activistes étant estimé par le Pentagone à 10.000. Ils vivent clandestinement au milieu des populations qui coopèrent soit par peur, soit parce qu’elles partagent son idéologie, le salafisme-jihadisme.

Daech est aussi présent dans ses « provinces » (wilayats) extérieures particulièrement en Afrique, au Sinaï, en Afghanistan, au Pakistan et en Extrême-Orient.
Mais Daech n’a pas actuellement les capacités de projection qu’il avait en 2015 pour mener les attentats en France et en Belgique. Pas de base arrière solide et surtout moins de volontaires issus de la vieille Europe qui pourraient se fondre dans la foule. Cela ne veut pas dire que Daech ne peut pas le faire mais c’est beaucoup plus difficile pour l’organisation.

Par contre, la menace endogène est toujours présente. Des individus seuls ou en groupes, convaincus de la justesse des vues salafistes peuvent décider par eux-mêmes de passer à l’action avec les « moyens du bord ». Face à ces menaces persistantes, il convient de ne pas baisser la garde, mais depuis le temps que cela est d’actualité, il est normal qu’un sentiment de lassitude se fasse jour. Et il va falloir compter avec les activistes condamnés par la justice dans le passé qui peu à peu vont sortir de prison leur peine effectuée (sans parler des co-détenus qu’ils auront convaincus à « la cause »).

Il va avoir bien d’autres attaques menées par des groupes affiliés à Daech. Il est vraisemblable qu’elles seront revendiquées dans le cadre de cette opération médiatique, ce qui ne signifie pas qu’il y a un commandement unique. Il n’y a qu’un organisme central de propagande qui diffuse les mêmes messages. Ils sont repris par les provinces extérieures et par les sympathisants à la cause qui considèrent que leur devoir est de répondre à cet appel en passant à l’action.

1. Voir « Les attentats meurtriers se succèdent en Israël » du 8 avril 2022.

Publié le