Denis Kireev, un des membres de la délégation ukrainienne qui a assisté à la première réunion en Biélorussie le 28 février dans le domaine de Gomel à la frontière entre l’Ukraine et la Biélorussie a été tué par balles par le service de sécurité d’Ukraine (SBU) le 5 mars. Plusieurs versions circulent. Le SBU affirme qu’il espionnait pour le compte des Russes et qu’il en détiendrait les preuves, en particulier des écoutes téléphoniques.

Il aurait été abattu dans la rue à Minsk devant l’entrée de la Cour du district de Pechersk voulant « résister » à son arrestation. En fait, il aurait été littéralement exécuté d’au moins une balle dans la tête. Est-ce un hasard, ce tribunal a en charge nombre d’affaires de corruption en Ukraine.
Kireev était considéré comme un fidèle de l’oligarque Andrei Klyuev, l’ex secrétaire au conseil national de Sécurité et de Défense puis directeur de l’administration présidentielle, un allié de l’ancien président ukrainien Viktor Yanukovych (2010-2014) qui s’est enfui en Fédération de Russie en 2014.

Kireev travaillait dans la finance privée (SCM Finance puis la compagnie autrichienne GROUP SLAV AG, l’ Ukreximbank, Oschadbank. Kireev, etc.).

Pour le moment, les autorités ukrainiennes ne communiquent pas sur cet évènement. Ainsi, il est difficile de savoir comment il s’était retrouvé au sein de la délégation ukrainienne.

Par contre, le ministère de la défense ukrainien a fait cette déclaration :  « au cours de l’exécution de tâches spéciales, trois espions ont été tués – des employés de la Direction principale du renseignement du ministère de l’Intérieur. Le sort d’Alexei Ivanovitch, Chibineev Valery Viktorovich, Denis Borisovich Kireev -. Ils ont péri en défendant l’Ukraine, et leur rang nous a rapprochés de la victoire ! Nous exprimons nos sincères condoléances aux familles des victimes. Les héros ne meurent pas ! Ils vivent aussi longtemps que nous nous souvenons d’eux ! Gloire à l’Ukraine ! Gloire aux héros ! ».

Donc, pour la presse ukrainienne et russe – pour une fois d’accord -, Kireev était un espion à la solde de Moscou ; pour le ministère de la défense, Kireev (et deux autres membres des services de renseignement du ministère de l’intérieur qui auraient également trouvé la mort) étaient des « héros »…

Il y a peu de chance que le cas soit élucidé l’époque ne se prêtant pas à des enquêtes approfondies sur les faits et gestes des services secrets ukrainiens ou/et russes. Est-ce que cette véritable exécution est politique ou purement criminelle ? Il convient de se rappeler que l’Ukraine a – au même titre que la Russie – une solide réputation dans le domaine du crime organisé.

Plus généralement, il conviendra dans l’avenir de voir quelles sont les conséquences de l’invasion de l’Ukraine et des sanctions économiques décidées contre la Russie (avec en particulier la restriction des déplacements humains et matériels) sur le crime organisé originaire des ex-pays de l’URSS. Les clans moscovites et tchétchènes se retrouvent isolés de l’extérieur. Les fameux Vory v Zakone(1) (dont les tatouages sont célèbres) qui avaient si bien réussi à créer des liens avec le crime organisé du monde libre après l’effondrement du rideau de fer sont maintenant coincés pour partie en Russie et pour partie dans les pays limitrophes (les mafias arméniennes, azéries, géorgiennes, sont redoutables). Connaissant leur capacité d’adaptation phénoménale, il est vraisemblable que les mafieux vont orienter leurs activités vers le marché noir, la contrebande et le trafic d’êtres humains qui vont connaître une expansion exponentielle dans toute la région en raison des restrictions qui vont être générales. Selon certains témoignages, le crime organisé ukrainien ferait déjà payer des droits de passage aux candidats à l’exil. Enfin, il est possible que des guerres des gangs aient lieu dans des régions qui étaient très appréciées des criminels russes car les « territoires » qu’ils ne vont plus parvenir à gérer vont attirer de multiples convoitises : l’Espagne avec la Costa del Sol, la France avec la côte d’Azur et les stations de ski huppées, la Turquie, etc. .

 

1. Le 23 février, Lisbonne a extradé vers la Russie le Vory v Zakone Stepan Furman alias Stepan Murmansky qui vivait en famille au Portugal depuis deux ans. Depuis avril 2019, le fait d’être reconnu comme un Vory v Zakone est puni par la justice russe (d’où la demande d’extradition alors que l’intéressé n’a rien fait de répréhensible au Portugal). Cette mesure est aussi en vigueur en Ukraine, en Géorgie et en Arménie.

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Texte

Alain Rodier

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