Deux très importants responsables afghans, acculés à Mazar-i-Sharif où ils s’étaient rendus pour soutenir leurs miliciens mis en difficulté face aux taliban ont été contraints de fuir en Ouzbékistan. Atta Mohammad Nur, l’ancien gouverneur de la province de Balkh (2004-2018) et qui a la réputation d’être l’homme le plus riche du pays, définition qui le fait soupçonner de toutes les turpitudes, et surtout le maréchal (depuis 2020) Abdul Rashid Dostom - un symbole historique - ont quitté le pays avec leurs proches.

Deux très importants responsables afghans, acculés à Mazar-i-Sharif où ils s’étaient rendus pour soutenir leurs miliciens mis en difficulté face aux taliban ont été contraints de fuir en Ouzbékistan. Atta Mohammad Nur, l’ancien gouverneur de la province de Balkh (2004-2018) et qui a la réputation d’être l’homme le plus riche du pays, définition qui le fait soupçonner de toutes les turpitudes, et surtout le maréchal (depuis 2020) Abdul Rashid Dostom – un symbole historique – ont quitté le pays avec leurs proches. Par contre plusieurs questions se posent encore : ont-il réussi à passer la frontière au niveau du pont ferré de Hairatan ? En effet, des civils et des membres des forces de sécurité se pressent à ce point de passage et pour le moment, sont bloqués puisque le poste frontière ouzbek reste fermé. Il est possible que ces deux personnalités soient passées par la voie aérienne car les autorités ouzbèks – appuyées par Moscou – ne peuvent décemment pas leur fermer la porte.

Déjà Ismail Khan, une figure historique afghane a été fait prisonnier à Herat par les taliban. Il avait été l’un des premiers à s’opposer à l’invasion soviétique de 1979. Les taliban qu’il les a « rejoint »…

Ces personnalités généralement appelées des « chefs de guerre » ne sont pas importantes par rapport à leur position officielle au sein du gouvernement mais pour leur autorité personnelle et leur pouvoir régional qui est souvent entré en collision avec celui du président Ashraf Ghani.

a/s le maréchal Dostom

L’auteur qui suit la situation en Afghanistan depuis le début des années 1980 a toujours entendu parler du général Dostom (promu maréchal en 2020). Il a commencé comme technicien dans la pétrochimie dans les années 1970 puis a rejoint l’armée afghane en 1978 (alors un régime communiste du président Nour Mohammad Taraki). Il combat les moudjahiddines qui s’opposent au pouvoir de Kaboul mais doit s’exiler au Pakistan lors d’une purge suite à l’assassinat de Taraki par le Premier ministre Hafizulah Amin. Bien naturellement, les Soviétiques le prennent sous leur aile après l’invasion de 1979 et finissent même par le nommer officier avec une promotion accélérée jusqu’au grade de général…
Après leur départ de 1989, la guerre civile fait rage dans le pays. En 1992, il rejoint un vieil ennemi, Ahmed Chah Massoud au sein de l’Alliance du Nord pour s’opposer à Gulbuddin Hekmatyar. Ils prennent Kaboul ouvrant une nouvelle ère de violences. En 1994, Dostom change une nouvelle fois de camp s’alliant cette fois à Hekmatyar contre Massoud et contre le gouvernement de Burhanuddin Rabbani. Les taliban s’emparent de Kaboul en 1996 le forçant à se retirer sur son fief de Mazar-i-Charif. Il rejoint alors Rabbani aux côtés d’Ismail Khan pour lutter contre les taliban mais sans grands succès. Il s’exile alors en Turquie.

Leur chute en 2001 lui permet de revenir sur le devant de la scène. Il rejoint en 2006 une coalition « le Front national uni » regroupant des hommes forts d’Afghanistan qui ont servi (comme lui) dans tous les camps. Elle s’affirme comme étant la principale force d’opposition au pouvoir.

De 2014 à 2020, il est vice-président d’Achraf Ghani, mais en 2020, il rejoint le gouvernement parallèle du vice-président Abdullah Abdullah, un ancien fidèle de Massoud. Au moment de l’accord de partage du pouvoir entre celui-ci et le gouvernement de Ghani, Dostom est nommé chef des Forces armées afghane empochant son titre de maréchal.
En mai 2017, il connaît un fâcheux incident étant accusé d’avoir fait séquestrer, torturer et violer un rival politique. Il est obligé de se mettre à l’abri en Turquie mais revient un an plus tard.

Non seulement la fuite sans gloire de Noor et Dostum sont dans la logique de la chute du gouvernement de Kaboul(1) mais historiquement, ce sont les derniers défenseurs de l’indépendance de l’Afghanistan puis contre les islamistes radicaux tabéb qui s’effondrent. Certains avaient mis des espoirs dans ces vieux chefs de guerre mais il semble qu’ils n’avaient plus le goût d’insuffler à leurs miliciens la volonté de se battre.

Cela n’était jamais arrivé jusqu’à présent, les taliban, même du temps de leur splendeur, n’étaient jamais parvenus à contrôler l’ensemble du pays, les provinces du nord restant rétives. Aujourd’hui les taliban vont devoir gérer…

Tous les employés de l’ambassade américaine ont été transféré sur l’aéroport de Kaboul qui est, pour l’instant, sécurisé par les militaires américains. L’évacuation devrait suivre. Si cela ne s’appelle pas une capitulation ! Cerise sur le gâteau, le président Ghani a quitté dimanche 15 août l’Afghanistan pour le Tadjikistan, peut-être une étape vers un pays tiers. Le Plais présidentiel a été pris dans la même journée.

De nombreuses analystes vont tenter d’expliquer à posteriori cette défaite cuisante et surtout extrêmement rapide.
Bien sûr, on va reparler de la corruption des instances dirigeante afghanes, ce qui est totalement exact. De l’aide insuffisante apportée pour reconstruire le pays – ce n’est que partiellement vrai, la tâche était immense -. Mais la raison centrale du succès des « étudiants en religion » reste l’idéologie politico-religieuse salafiste-jihadiste qui colle à la réalité du terrain afghan. C’est la seule qui peut unifier – par la contrainte – le pays sous une loi unique : la Charia. C’est choquant pour un occidental laïque(2) mais c’est la réalité du terrain.

Les interventionnistes du Droit humanitaire se sont, une fois de plus trompés en tentant d’exporter dans ce pays qui a son Histoire, ses traditions et ses coutumes, les « valeurs universelles » occidentales qui n’enchantent guère les populations en dehors d’une toute petite frange privilégiée de la société kabouliote, ils ont ouvert la porte au retour des taliban.

L’auteur aurait souhaité se tromper dans son analyse contenue dans la note d’actualité N°301 de février 2013 sur le site cf2r.org titrée : « Les talibans pakistanais à l’affût de l’effondrement afghan » :
extrait : « il ressort de ces préparatifs que les forces d’opposition au régime afghan seront fin prêtes fin 2014 pour mener leur guerre de reconquête. C’est un secret de polichinelle que certains de leurs éléments ont déjà infiltré les forces de sécurité afghanes, particulièrement la police. Ces agents pourront ainsi renseigner les rebelles voire provoquer des révoltes intérieures. Il n’est pas impossible que des unités dans leur intégralité passent avec armes et bagages du côté des taliban, après avoir assassiné les quelques officiers encore fidèles au régime. Certes, une certaine résistance aura lieu, particulièrement dans le nord et l’ouest du pays, mais elle ne pourra empêcher les taliban afghans et pakistanais de s’emparer de Kaboul. La question qui se pose n’est donc plus si les talibans vont reprendre le pouvoir, mais quand ? ».

 

1. Voir sur raids.fr: AFGHANISTAN : C’EST BIENTÔT LA FIN du 13 août 2021.
2. À noter que Dostom, voué aux gémonies par l’Occident pour sa conduite qui pourrait effectivement de passer devant le Tribunal pénal international (TPI), est à la base un socialo-communiste laïque pur et dur, et accessoirement, un admirateur sincère de Mustafa Kemal Atatürk. C’est la « réalité » du terrain afghan qui l’a fait retourner autant de fois sa veste. Cela dit, les Américains le couvraient d’honneurs ces derniers temps.

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Texte

Alain Rodier

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