Selon l’agence de presse syrienne Al-Etihad, le 10 juin le porte-parole du mouvement salafiste-jihadiste Hayat Tahrir al-Cham (Organisation de Libération du Levant) héritier du Front al-Nosra, Abou Khaled al-Chami et deux autres responsables du mouvement auraient été neutralisés par une frappe russe au sud de la province d’Idlib majoritairement tenue par les rebelles.

Les deux autres victimes seraient Abou Mousab al-Homsi, le coordinateur militaire pour les relations avec la presse et Abou Tamer al-Homsi qui accompagne les journalistes qui s’aventurent sur zone. La veille, Moscou avait eu à déplorer la mort d’un de ses militaire qui avait été tué lorsque son véhicule avait été frappé par un engin explosif improvisé dans la région de Hassaké au nord-est de la Syrie. Trois de ses camarades avaient été blessés dans l’incident (1).

De plus, un missile anti-aérien portable aurait été tiré le 2 juin contre l’avion de reconnaissance russe Beriev A-50 qui effectuait son vol d’observation quotidien au dessus de la province d’Idlib depuis la base d’Hmeimim.

Les forces russes ont procédé à plusieurs tirs de missiles guidés, en particulier sur la localité d’Ablin. Ces tirs ont été précédés par des raids aériens menées par les aviations syrienne et russe. Au moins 80 obus d’artillerie guidés en phase terminale ont également été tirés sur dans la zone de Jabal al-Zawiya. Des pertes civiles seraient également à déplorer.

Un tir a visé le véhicule où se trouvaient les responsables jihadistes (c/f photo en fin d’article). Il aurait été repéré par des drones de reconnaissance qui ont ensuite mis en œuvre des missiles anti-chars. Ces trois activistes qui étaient en contact – même épisodique – avec la presse étaient de ce fait des cibles plus facilement localisables par leurs adversaires russes équipés de moyens de renseignement sophistiqués. En réponse à cette exécution ciblée, les forces turques et l’« Armée nationale syrienne » (un conglomérat de groupes rebelles soutenus par Ankara dont ceux appartenant précédemment à l’Armée syrienne libre, à Ahrar al-Cham et au Jaych al-Islam) ont tiré quelques salves d’artillerie et de mortiers vers des positions légalistes syriennes.

La défense civile locale d’Idlib craint que les populations du sud de la région (dont une partie était venue pour faire les moissons dans la région de Jabal al-Zawiya) ne migrent vers le nord et la Turquie encombrant encore plus les camps de réfugiés déjà complètement bondés. De plus, ces camps risquent de voir leurs approvisionnements en aide humanitaire considérablement diminuer dans l’avenir car Moscou s’oppose au sein du Conseil de sécurité de l’ONU au maintient du point de passage frontalier de Bab al-Hawa reliant l’autoroute syrienne M 45 à son homologue turc D 827. Il semble que les services de renseignement russes ont appris qu’Abou Mohammed al-Joulani qui venait de renier son allégeance à Al-Qaida « canal historique » en transformant le Front Al-Nosra en HTC, avait rencontré il y a quatre ans Jonathan Powell, un représentant du Premier ministre britanniques (mission vraisemblablement encadrée par le MI6). Cette information n’aurait pas été appréciée par Vladimir Poutine qui signifie par ces nouvelle mesures qu’il est hors de question pour lui de considérer le HTC comme un interlocuteur valable.

Depuis le début 2020, la province d’Idlib connaissait un calme relatif entrecoupé de frappes localisées en raison d’un cessez-le-feu négocié entre Ankara, Moscou et indirectement avec Damas.
Cette dernière opération ne devrait pas changer grand-chose à la situation, les forces régulières syriennes, même appuyées par l’aviation russe (l’Iran soutient toujours Damas mais ne veut pas s’engager directement dans la région d’Idlib) n’ayant pas les capacité tactique de rependre de vive force cette région tenue par environ 40.000 rebelles dont beaucoup sont soutenus par la Turquie.

1. Cette zone est sous le contrôle théorique des Forces démocratiques syriennes (FDS) « laïques » qui n’ont rien à voir avec le HTC « salafiste » qui est implanté beaucoup plus à l’ouest. Mais il est possible que le Kremlin ait voulu signifier à tous les acteurs qu’il ne laissait pas passer la mort d’un de ses hommes sans réagir. Les auteurs de cette embuscade sont vraisemblablement des activistes salafistes-jihadistes.

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Alain Rodier

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