Le journaliste de 52 ans Giorgos Karaivaz a été assassiné le 9 avril alors qu’il rentrait à son domicile situé dans le quartier Alimos d’Athènes.

Deux hommes à moto l’ont pris pour cible tirant plus d’une dizaine de cartouches si l’on en croit les relevés de la police scientifique. À l’évidence, ce crime était préparé dans le temps et dans l’espace et a été mené par des professionnels.

Kyriákos Mitsotakis, le premier ministre grec Kyriákos Mitsotakis a demandé le lendemain « résolution rapide » de l’enquête concernant cet assassinat. Le retentissement de ce meurtre dépasse les frontières de la Grèce. Il a notamment été condamné par la Commission européenne et le Conseil européen de sauvegarde des droits de l’homme (CESDH). La présidente de la Commission Ursula von der Leyen a tweeté : « tuer un journaliste est un acte odieux et lâche […] L’Europe défend les libertés. Et la liberté de la presse est la plus sacrée de toutes. Les journalistes doivent pouvoir travailler en sécurité. Mes pensées vont à la famille de George Karaivaz, j’espère que les criminels seront bientôt présentés à la justice».

Giorgos Karaivaz travaillait pour la télévision privée Star TV et dirigeait le site d’actualités bloko.gr. Il était spécialisé dans les domaines de la criminalité, de la justice et de la police. Il avait travaillé durant toute sa carrière pour les principaux journaux et télévisions du pays et, selon le syndicat des journalistes de la presse quotidienne athénienne Esiea, était « l’un des journalistes criminels les plus expérimentés sur le terrain et était tenu en haute estime par ses confrères». Si les médias grecs sont assez régulièrement la cible d’actes de vandalisme ou même d’attaques à l’explosif – souvent pour des motifs politiques – , l’assassinat de journalistes reste rare. George Karaivaz ne bénéficiait pas de protection policière comme pour certains de ses confrères. En juillet dernier, le journaliste controversé Stefanos Chios avait survécu à deux coups de feu tirés par un homme encapuchonné devant son domicile. Il était accompagné d’un complice mais son arme avait dû s’enrayer l’empêchant d’achever sa victime. En juillet 2010, Socratis Giolias, directeur de radio, blogger et journaliste d’investigation, avait été abattu devant son domicile par trois hommes armés déguisés en vigiles. Il avait été atteint de quinze projectiles. Les meurtriers de ces actions sont toujours dans la nature…

Si la criminalité organisée grecque n’a pas la puissance de ses homologues italiennes, albanaises, russes, etc. c’est en raison de la petite taille de ses cellules de base, souvent familiales, qui ne coopèrent entre elles que pour des affaires ponctuelles. Il n’y a pas d’autorité supérieure qui peut régir les affaires et les conflits comme « la coupole » de Cosa Nostra. Elle existe néanmoins profitant de la position géographique centrale du pays qui est un pont entre l’Orient et l’Occident et aussi en raison de ses nombreux ports qui en font un pays favorable à la contrebande. Comme ailleurs, les groupes criminels grecs (217 « seigneurs du crime » dits les « Parrains de la nuit » auraient été répertoriés par les autorités) se livrent au trafic de drogue (dont ils sont également producteurs de majijuana, particulièrement en Crête et dans la péninsule du Péloponnèse), de pétrole, d’armes, de cigarettes, etc. Le jeu a toujours été un élément de base pour le crime organisé grec, ainsi que les courses de chevaux et les casinos. L’internationalisation de ses activités fait qu’elle est présente en Europe où elle a des liens avec les mafias italiennes, albanaises, russes mais aussi sur le continent nord-américain particulièrement au Canada et à Philadelphie, à New York, à Chicago, etc. Le crime organisé grec est aussi présent en Afrique centrale et du Sud. A l’étranger, elle est rarement en position de leader mais plutôt de « collaborateur ».

Cela étant, pour exister et prospérer, les groupes criminels grecs font comme leurs semblables: ils pénètrent la société civile et l’administration qui leur assurent couverture et protection. Giorgos Karaivaz et Socratis Giolias étaient réputés pour les enquêtes d’investigation qu’ils menaient dans ce domaine…

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Texte

Alain Rodier

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