Il est souvent question des activités des services d’espionnage russes, qu’ils soient civils (SVR, FSB) ou militaire (GRU). Bien avant les opérations homo (1), arma (2) ou d’influence(3) très médiatisées, leur première mission consiste à recueillir des renseignements dans tous les domaines jugés vitaux pour le pays.

Parfois, ils se font prendre les doigts dans le pot de confiture. Cela semble se renouveler régulièrement ces derniers temps. Les services russes ne sont plus ce qu’il étaient et cela devrait pousser le président Vladimir Poutine à faire une grosse colère à moins que ce ne soit que l’arbre qui cache la forêt!

UKRAINE

En février 2021, un officier de renseignement vraisemblablement dépendant au GRU a été arrêté à Kharkov en Ukraine alors qu’il tentait de monnayer des informations concernant le char T-84BM Oplot. Le service de sécurité ukrainien SBU avait été informé de la tentative d’un Officier Traitant (OT) de recruter un employé de la société d’état « Kharkiv Morozov Machine-Building Design Bureau » (KMDB) spécialisée dans la construction et la modernisation de chars de combat.

Ce dernier qui avait vraisemblablement prévenu sa hiérarchie avait été pris en main par le SBU pour fournir à son traitant des documents comportant des erreurs volontaires. Mais il a été décidé de procéder à l’arrestation de l’OT en flagrant délit. Il a été informé qu’il était accusé de « haute trahison » selon le code criminel ukrainien (Partie 1 de l’Article 111). Les autorités n’ont pas dévoilé son identité et sa nationalité mais s’il s’agissait d’un diplomate en poste en Ukraine (il y a une ambassade et quatre consulats russes en Ukraine), il devrait être expulsé. S’il s’agissait d’un clandestin comme cela semble être le cas, il risque d’être condamné à de longues années de prison. Dans ce cas, un échange peut être négocié dans le plus pur type de la Guerre froide (voir le film, « le pont aux espions »).

Dans les faits, c’est la mission principale des services de renseignement militaires (dont le GRU russe) de recueillir des informations sur les armements étrangers (même si on peut penser que ceux en service en Ukraine sont déjà largement connus par les Russes qui en étaient à l’origine avant l’éclatement de l’URSS). D’ailleurs, malgré les annonces de Kiev, le char T-84BM n’est pas particulièrement révolutionnaire pour ne pas dire qu’il n’est pas, selon les dernières informations reçues, vraiment performant …
De toutes façons, Kiev devrait exploiter cette affaire pour démontrer une fois de plus les intentions malignes de Moscou à son égard. Le GRU paraît avoir été pour le moins maladroit dans cette affaire. Le pire, c’est que cela semble devenir la règle pour ce service de renseignement militaire qui avait « bonne réputation » dans le petit monde international de l’espionnage.

SUÈDE

Un consultant en technologies suédois de 47 ans qui avait travaillé dans le passé chez Scania et Volvo Cars, avait été interpellé en février 2019 alors qu’il était invité à dîner dans un restaurant de Stockholm par un diplomate russe. Ce dernier venait de remettre à son invité la somme de 27.800 couronnes (environ 2.785 €). Le diplomate avait été retenu brièvement le temps de vérifier son immunité diplomatique. Il a été déterminé qu’il était l’Officier Traitant de cette source humaine depuis plusieurs années.

L’affaire avait profondément troublé les relations entre la Suède et la Russie, deux diplomates russes se voyant refuser un visa d’entrée dans le pays et deux homologue suédois étant expulsés de Moscou en mesure de rétorsion.

Le consultant est accusé d’avoir vendu à la Russie des informations sensibles sur les constructeurs automobile Volvo Cars et Scania. Il a été mis en accusation et renvoyé devant un tribunal du royaume le 22 février 2021. Le procureur Ljungqvist chargé du dossier a déclaré : « En tant que consultant sur ses anciens lieux de travail, je soutiens qu’il a obtenu des choses dans le but de fournir des informations à une puissance étrangère, en l’occurrence la Russie ». Selon lui, ces renseignements porteraient sur « la fabrication, comme les codes sources et la construction de produits dans le secteur de véhicules ». Il a enfin souligné que : « la Suède est la plaignante dans cette affaire et non les entreprises [car] cette affaire concerne un crime qui met en danger la sécurité du pays ».

Dans l’ordre du détail, le prévenu aurait illégalement transféré des dossiers de son ordinateur professionnel vers son ordinateur personnel puis enfin vers des clés USB. Sans doute informé par son OT, il aurait également photographié des pages à partir de l’écran de son ordinateur de travail afin de déjouer une éventuelle surveillance électronique. Cela dit, cette « manipulation » ne paraît pas très professionnelle. Une fois qu’une source est vraiment recrutée, c-à-d qu’elle fournit consciemment des renseignements (par obligatoirement classifiés mais jugés « sensibles ») contre rétribution, il convient que les contacts deviennent clandestins – et certainement pas en rencontrant au vu et au su de tout le monde un diplomate du pays destinataire -. Les Russes ont sous-estimé le contre-espionnage suédois…
S’il est reconnu coupable, le consultant risque jusqu’à six ans de prison.

1 – Homo : assassinat ciblé.
2 – Arma : destruction de matériels (la cyberguerre peut être classée dans cette catégorie).
3 – Comme l’influence sur des résultats électoraux

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Texte

Alain Rodier

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