Le Lieutenant colonel Mahmoud Mustafa Busayf al-Werfalli né en 1978 (parfois présenté avec le grade de général, mais il avait bien été promu par le maréchal Khalifa Haftar en 2019), le commandant de la brigade al-Saiqa, une unité d’élite composée de parachutistes et de miliciens faisant partie de l’auto-proclamée Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Haftar, a été assassiné le 24 mars 2021 dans une rue très fréquentée de Benghazi.

Son véhicule a été criblé de balles neutralisant également les gardes du corps et son cousin qui l’accompagnaient. Emmené à l’hôpital de la ville, al-Werfalli est décédé durant le transport.

Al-Werfalli, membre de la tribu Warfalla qui était loyale à Mouammar Kadhafi, avait été inculpé en 2017 par la Cour pénale internationale de « crimes de guerre, torture, traitements cruels, crimes contre l’humanité et d’autres crimes inhumains ». Il a ensuite été poursuivi par Interpol pour avoir personnellement exécuté par balle dix prisonniers devant la mosquée Bi’at al-Radwan à Benghazi en janvier 2018. En décembre 2019, le Département du trésor américain l’a inclus sur sa liste des individus responsables de violations des droits de l’homme. Malgré les preuves accablantes, il avait gardé la confiance du maréchal Haftar.

La question qui se pose est : qui a ordonné cette opération homo (sachant que les pistoleros ne manquent pas en Libye) ? Cela peut être le gouvernement de Tripoli mais cette hypothèse est douteuse au moment où une nouvelle administration (Gouvernement d’union nationale -GUN-) se met en place sous l’égide de l’ONU en préparant les élections du 24 décembre 2021(1). Cela peut être un concurrent, surtout sur le plan financier, cette hypothèse étant fondée en Libye où les intérêts économiques individuels sont importants. Il est peu probable que ce soit un mouvement salafiste-jihadiste comme Daech ou Al-Qaida car aucune revendication de ce qui serait considéré comme un « haut fait » n’a été émise. La dernière option est l’élimination par le clan Haftar qui pouvait penser que cet individu était devenu trop gênant pour l’image de marque de l’ANL alors que de nombreuses négociations se tiennent en coulisses. En effet, le paysage politique est en train d’évoluer considérablement, la Turquie prenant quelques distances avec les Frères musulmans pour s’ouvrir vers l’Égypte qui devient plus « conciliante » en Libye… La demande de départ des « mercenaires » dans les deux camps se fait de plus en plus insistante. Le maréchal Haftar tente de se faire une place dans le processus qui est aujourd’hui lancé et qui pourrait amener des surprises.

1. Voir mon article du 11 mars 2021 : « Libye : Un nouveau Gouvernement d’unité nationale patronné par l’ONU ».

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Texte

Alain Rodier

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