Le 40e RA en Irak.

Le 40e régiment d’artillerie a assuré le mandat en Irak de la fin octobre 2017 au 21 février 2018. Six tubes étaient encore présents, avec 170 militaires, artilleurs et soutien compris. Des PPLOG se chargeaient de transporter les munitions, et pour la liaison et l’observation, un VAB et un PVP étaient aussi déployés. La station météo Sephira et le logiciel Atlas pour la conduite des feux ont été utilisés, et tous les tirs étaient observés par drones mais par les DRAC (drones de reconnaissance au contact) du régiment, aux pattes et à l’endurance beaucoup trop courtes.

« La dispo des Caesar a été très bonne », assure notre interlocuteur, un des officiers du régiment. « Tout est sur le camion, ce qui permet rusticité et mobilité. On a pu faire un raid artillerie en sortant de la FOB [base opérationnelle avancée] plusieurs heures pour frapper un sanctuaire de Daech à Rawa. On avait pris trois tubes pour cette mission et on était accompagnés d’une RCT [regimental combat team] américaine pour ouvrir l’itinéraire et dépiéger. Mais le risque n°1, c’est la voiture-suicide. Les terroristes sortent des caches pour faire des opérations-suicides. Sur Rawa, on a roulé de nuit au IL [intensificateurs de lumière] pour se positionner à 20 km, on a frappé pendant deux heures, puis on a fait silence, puis à nouveau une heure de tirs à l’aube.

« On a participé à la reconquête de la moyenne vallée de l’Euphrate. Les points d’appui sur lesquels nous étions étaient très sommaires. La coalition fournissait des camions externalisés ou de ses propres rangs pour transporter le matériel, tout était en conteneur. On allait de point d’appui en point d’appui. Moi, j’étais avec le PC régimentaire à la strike cell de Bagdad, alors que nos prédécesseurs étaient à celle d’Erbil. Toute mission de frappe devait être autorisée par un général irakien. Ce qui est normal, puisque les Irakiens sont chez eux, mais il faut en général moins de dix minutes pour autoriser un tir. Un des CDU [commandant d’unité] était JTAC [joint terminal air controller, spécialiste du guidage des appuis], mais il n’a pas été déployé pour cela. Néanmoins, il a pu utiliser une patrouille d’Apache lors d’un convoi, puisqu’il était doté de PRC117 [radio spécifique permettant de communiquer du sol avec les aéronefs].

« L’adversaire est différent de celui qu’on trouve au Sahel. Cet adversaire-ci est plus dur, plus cinétique, plus manœuvrant. L’armée irakienne était très opérationnelle, on a fait du bon travail ensemble. On revient avec un sentiment de devoir accompli puisqu’on a libéré les derniers bastions de Daech dans la région de l’Euphrate. Les soldats irakiens étaient rassurés de voir qu’on était là pour eux avec les tirs éclairants. L’entente était forte avec les Américains ; avec eux, pas de faux-semblant. Ils étaient admiratifs de nos tirs Caesar. Il y avait une vraie complémentarité entre nos Caesar, leurs automoteurs de 155 mm Paladin des Marines qui dépassaient rarement les 24 km, et leurs lance-roquettes.

« Quand on tire tout le temps à la même distance, cela use les tubes, mais cela ne se voit pas sur un mandat. Les tubes sont changés aussi une fois par mandat ; pour nous, c’est arrivé à mi-mandat. Pour nous, ce mandat a aussi été l’occasion de mesurer les différentes conditions météo de l’Irak. En arrivant, il faisait encore bon, puis les températures ont baissé. Puis ce furent des pluies torrentielles, le sol n’arrivait pas à les absorber. »

Une des problématiques de ces mandats en Irak est de traiter les objectifs sans faire de dommages collatéraux. Ce mandat-ci aura réalisé 91 missions de tir, pour 1 448 obus tirés. Les missions se décomposent ainsi : 45 d’explosifs, 41 éclairants, 3 fumigènes et un de semonce ; un ratio qui transparaît, de fait, dans les bilans hebdomadaires fournis à Paris par l’état-major des armées. Les tirs se sont déroulés essentiellement entre 23 et 30 km, et jusqu’à 34 km, donc pas à portée maximale (lors de mandats précédents, on avait tiré à 37 km).

Sur les 91 missions de tir, 33 concernaient des missions de harcèlement contre Daech, deux de suppression de mortiers, deux de suppression de base de feu de Daech, trois contre des postes d’observation, 13 contre des infiltrations, 12 shows of presence avec de l’éclairant. 80 % sont des tirs d’emblée (sans correction). « On a basculé dans la contre-insurrection pendant le mandat, poursuit notre interlocuteur. On a utilisé tous les panels d’effets : appui, déception, éclairant1, fumée, explosif, semonce.» A cette époque, le régiment était très engagé, puisque 600 de ses 840 artilleurs étaient en opérations en Irak, Mali, Sénégal, Côte d’Ivoire, Emirats arabes unis, Guyane pour la batterie sol-air, Martinique. Ils étaient également présents après le passage d’Irma.

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