Le changement de la frontière séparant le Kosovo et la serbie risque de redéfinir les règles du jeu international et de conduire à « de nouvelles guerres ».
La guerre entre les séparatistes albanais du Kosovo et les forces serbes, en 1998-1999, est le dernier conflit armé lié à l’éclatement de l’ex-Yougoslavie. Elle a fait plus de 13 000 morts et a abouti au retrait des forces de Belgrade, sous la pression militaire de l’OTAN.
Aujourd’hui, les populations serbes et kosovares, qui vivent respectivement dans des enclaves au Kosovo et en Serbie, s’inquiètent des corrections frontalières envisagées par Belgrade et Pristina pour normaliser leurs relations. Plus de 100 000 Serbes vivent encore au Kosovo, dans le nord du pays, et dans quelques bourgades enclavées du sud. La Serbie, quant à elle, compte plusieurs communes à majorité albanophone, collées à la frontière avec le Kosovo, que Belgrade considère toujours comme une province rebelle. Échanger les unes contre les autres a longtemps semblé impensable, en vertu du principe du respect des frontières sur lequel est bâti l’ordre mondial. D’ailleurs, ni Pristina ni Belgrade ne semblaient enclins à négocier un quelconque échange. Pourtant, de fil en aiguille, l’idée a fait son chemin. À la suite du président kosovar Hashim Thaçi, son homologue serbe Aleksandar Vučić s’est dit ouvert à une modification de la frontière séparant leurs deux pays. En abandonnant à Belgrade les communes de la partie nord du Kosovo à majorité serbe, Pristina pourrait récupérer trois villages de Serbie d’une population quasi équivalente, limitrophes de son territoire : Medveda, Bujanovac et Preševo. Ces trois villages forment la vallée de Preševo, où un référendum illégal en faveur d’un rattachement au Kosovo avait été organisé en 1992.
Un tel échange présenterait des avantages pour chacun des deux pays. D’un côté, il entérinerait l’indépendance du Kosovo, reconnue par seulement 110 pays du monde et 22 membres de l’Union européenne (UE) ; de l’autre, il lèverait un obstacle aux démarches d’adhésion à l’UE de la Serbie. Aujourd’hui, après avoir longtemps été un sujet tabou, cet échange de territoires est soutenu par Washington et par plusieurs grandes capitales européennes, à l’exception de Berlin qui a mis en garde contre une relance de l’irrédentisme dans les Balkans. Cela étant, à Belgrade comme à Pristina, peu sont ceux qui croient qu’un accord pourrait être conclu rapidement. D’autant plus que Hashim Thaçi se trouve seul dans cette négociation, avec l’opposition totale de son Premier ministre Ramush Haradinaj, ancien chef militaire de l’Armée de libération du Kosovo (UCK), considéré comme criminel de guerre par Belgrade, qui a prévenu que toute modification des frontières conduirait à « de nouvelles guerres ».
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