L’élection présidentielle en Iran prévue le 18 juin 2021 devrait amener au poste de président un « dur » comme cela a été le cas lors des législatives de 2020. Les raisons en sont simples.
La gestion de la Covid-19 a été catastrophique comme dans la majorité de tous les autres pays. Les citoyens en veulent à l’administration descendante qui n’a pas « su prendre les mesures adéquates » ce qui était impossible en raison de l’inconnue du problème médical rencontré, même les scientifiques étant partagés sur le sujet.
La politique de « pression maximum » menée par Washington qui a suivi la sortie en 2018 des USA de l’accord JCPOA portant sur le programme nucléaire iranien. Les Iraniens, étranglés par les sanctions se sont demandé pourquoi le président Hassan Rohani avait négocié pour finalement rencontrer un échec face à l’intransigeance de Donald Trump ?
Ces sanctions et les conséquences de la Covid-19 ont amplifié d’une manière considérable la crise économique qui existait déjà en Iran poussant encore plus de populations dans la misère. Washington espérait que cela conduirait une révolte contre le pouvoir des mollahs d’autant que l’Iran a déjà rencontré des périodes quasi-insurrectionnelles habilement accompagnées par les acteurs habituels pilotés par la Maison-Blanche (CIA, ONG, etc.).
À noter que ces évènements ont amené l’inverse de ce qui était attendu, la population resserrant les rangs autour du régime même si une partie d’entre-elle ne l’apprécie pas. Pour pallier aux manques, les Iraniens ont commencé à fabriquer des produits qu’ils importaient auparavant et qui sont sous embargo tout en ouvrant plus largement leur marché aux autres ennemis des États-Unis, la Chine, la Russie, au Venezuela et plus discrètement à la Corée du Nord et au Qatar. Les grands perdants économiques ont été les pays européens obligés de suivre les injonctions de la Maison-Blanche sous peine d’être sanctionnés à leur tour.
À côté de la résilience dont a fait preuve le peuple iranien, ce dernier s’est tourné vers les responsables considérés comme les seuls à pouvoir en remontrer aux Américains, les « durs ». Ces derniers devraient bientôt reprendre toutes les commandes en Iran. Toutefois, il convient de nuancer, la séparation entre « libéraux » et « conservateurs » en Iran a été construite par la propagande iranienne pour tromper l’adversaire. En réalité, les responsables politiques choisis par le Guide de la Révolution jouent uniquement entre eux en se répartissant les rôles des « gentils » et des « méchants ». Par exemple, c’est sous le « très libéral » président Mohammad Khatami (1997-2005) très apprécié des Occidentaux que le programme nucléaire militaire iranien a connu une accélération importante. En effet, une branche de l’opposition iranienne en exil a révélé en août 2002 l’existence de deux sites nucléaires « clandestins » à Natanz et à Arak. C’est aussi la réputation de « libéral » de Khatami qui a permis à beaucoup d’opposants au régime de se faire connaître … des pasdarans qui ont rempli les prisons du régi.
La question qui se pose est maintenant : quels sont les « durs » qui vont prendre la direction des opérations ? Les religieux (les mollahs?) ou les pasdarans ?
Ces derniers qui depuis la Révolution suivaient fidèlement les ordres des religieux ont beaucoup gagné en autonomie. Ils représentent une puissance économique importante ayant investi le monde des affaires. De plus, le leitmotiv qui circule actuellement en Iran depuis la mort de Qassem Soleimani le 3 janvier 2020 est : « pourquoi ceux qui risquent leur peau n’ont pas voie au chapitre ? ».
Le Guide suprême de la Révolution, l’Ayatollah Ali Khamenei âgé de 81 ans est atteint d’une « longue maladie » et il est affaibli mais il n’est pas question de le renverser car cela irait à l’encontre les dogmes de la Révolution islamique. Toutefois, son rôle politique peut être considérablement diminué.
Le commandant des pasdarans, le major général Hossein Salami n’a en fin de compte en face à lui que deux adversaires politico-religieux à sa taille : Hossein Taeb, le chef du renseignement des pasdarans et Mahmoud Alavi, le directeur du ministère des Renseignements et de la Sécurité nationale (Vevak rebaptisé Vaja).
Il est prévisible que la nouvelle administration américaine montrera le même niveau d’intransigeance vis-à-vis du régime des mollahs car elle est coincée par les lobbies militaro-industriel et du renseignement qui trouvent en Téhéran l’ennemi idéal qui justifie l’ouverture des cordons de la bourse. Elle aura seulement un discours plus lissé.
Les dirigeants Iraniens faisant preuve de pragmatisme ne se font guère d’illusions. Ils vont donc poursuivre leur politique de renforcement du « croissant chiite » (Irak – Syrie – Liban) et les bombardements réguliers d’Israël ne leur feront « même pas mal ». La vie n’a pas le même prix en Orient qu’en Occident. Pour le moment, les mouvements affiliés à l’Iran, sont en pleine réorganisation suite aux bouleversements survenus ces dernières années. La Covid-19 aurait causé beaucoup plus de pertes dans les rangs des milices pro-Téhéran que les bombardements israéliens. Le Hezbollah accaparé par la guerre en Syrie ne peut matériellement se retourner – pour l’instant – contre l’État hébreu. Les mouvements palestiniens sont les « dindons de la farce » du rapprochement d’Israël avec les pays arabes qui, la main sur le cœur, les assuraient de leur soutien indéfectible. L’Iran a tenté de faire remonter la pression en dévoilant ses livraisons passées d’armes et de missiles aux Palestiniens.
Les Houthis qui rivalisent avec la coalition emmenée au Yémen par l’Arabie saoudite. C’est un abcès de fixation très utile qui permet d’accaparer Riyad à son Sud.
Le Bahreïn est pour l’instant verrouillé, les populations majoritairement chiites ne pouvant rien faire face à la famille royale sunnite ben Issa Al Khalifa tant qu’elle est soutenue par Riyad.
Mauvaise nouvelle pour Téhéran, la crise entre le Qatar et l’Arabie saoudite et les Émirats Arabes Unis semble toucher à sa fin et cet émirat était une pièce maîtresse dans le jeu de l’Iran, au moins sur le plan économique.
L’Iran regarde le « rapprochement » tenté par le président turc Recep Tayyip Erdoğan vers Israël avec suspicions. Les relations entre les deux pays sont historiquement au minimum « concurrentes ». Le soutien d’Erdoğan à la cause palestinienne contrarie l’aide apportée par Téhéran au Hamas et au Jihad Islamique Palestinien qui n’est pas le seul « protecteur de la cause ». L’Iran et la Turquie ne s’affronteront jamais directement mais toujours via des intermédiaires. La Syrie et l’Irak constituent un bon « champ clos » pour cela… Les deux ont des visées sur le Liban éclaté mais Téhéran a une longueur d’avance avec le Hezbollah.
Un autre évènement d’importance va avoir des conséquences à partir de 2021. À savoir que depuis le 18 octobre 2020, l’embargo de l’ONU visant notamment les ventes d’armes à Téhéran a expiré aux termes de la résolution 2231 du Conseil de sécurité. La Chine et la Russie sont sur les rangs pour approvisionner l’Iran tant les besoins (et pas uniquement militaires) sont grands. Ce qui est moins souligné, c’est que l’Iran peut aussi exporter des armements. Son client privilégié pourrait être le Venezuela…
Il reste un scénario qui ne serait pas vraiment une surprise. En cas d’empêchement du Guide suprême de la Révolution pour les raisons évoquées plus avant, il n’est pas exclu que les pasdarans ne prennent le pouvoir, bien sûr officiellement pour une « période limitée » afin d’assurer la sécurité du pays » jusqu’à la désignation d’un nouveau chef politico-religieux qui devra rencontrer toutes leurs faveurs. En un mot, une potiche pour un pays qui serait alors gouverné par une sorte de junte milicienne à défaut d’être vraiment militaire.
1. Un fait curieux sur la photo qui date de 2020. Ali Nassiri apparaît toujours comme responsable de la sécurité (« Ansar-al-Mahdi Corps ») alors qu’il aurait défecté en 2019…
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