Le nouveau secrétaire américain de la Défense par intérim, Christopher Miller, a annoncé le 17 novembre que les États-Unis vont réduire comme promis par le président Donald Trump les effectifs de leurs forces en Afghanistan et en Irak avant le 15 janvier 2021, soit juste avant la passation de pouvoir à la Maison Blanche.
Ainsi, ce sont 2.000 militaires qui devraient quitter l’Afghanistan et 500 l’Irak, ce qui devrait en laisser quelques 2.500 dans chaque pays. Les missions qui seront confiées aux militaires restants seront l’appui aérien, le renseignement et l’autoprotection de leurs ressortissants, militaires, diplomates, conseillers, etc. La promesse faite par le « candidat » Trump en 2016 de mettre un terme aux « guerres sans fin » sera donc partiellement tenue. Selon le conseiller de la Maison-Blanche pour la sécurité nationale, Robert O’Brien, l’objectif de Trump était le suivant (s’il était resté à la Maison Blanche): « D’ici mai, le président [Trump] espère ramener tous les militaires en sécurité ».
Une partie des Républicains était réticente comme l’a indiqué Mitch McConnell, le chef de la majorité républicaine au Sénat et pourtant un fidèle du président, en estimant que les États-Unis « abandonneraient » leurs alliés en cas de retrait prématuré. Même l’équipe de l’ex-secrétaire d’État à la défense, Mark Esper limogé la semaine passée, s’était montrée très critique à un retrait tant que la violence ne diminuait pas sur le terrain. En effet, les attaques se poursuivent en Afghanistan malgré l’accord conclu entre Washington et les taliban afghans et l’insécurité s’accroît en Irak, Daech menant des actions de guérilla et les milices chiites étant toujours « indépendantes » du pouvoir politique en place à Bagdad. De plus, le bilan est lourd pour les Américains. Environ 7.000 militaires US sont morts et 52.000 ont été blessés depuis l’invasion de l’Afghanistan en 2001 et celle de l’Irak en 2003.
Maintenant, le tout est de savoir ce que l’administration de Joe Biden qui entrera en fonction le 25 janvier va faire… Les critiques sont nombreuses aux sein des Démocrates. Ainsi, le sénateur Jack Reed, membre de la Commission des forces armées, a dénoncé « une approche à courte vue [qui] n’apportera pas la paix et qui, plus sûrement, menacera l’Amérique ». Toutefois, Biden a déclaré dans le passé qu’il souhaitait maintenir de 1.500 à 2.000 militaires sur les deux théâtres. Il semble donc que cela va dans le même sens que les dernières décisions de Trump. Il est utile de souligner que personne ne parle de la situation en Syrie où les forces spéciales US sont toujours présentes (relativement discrètement) à l’Est de l’Euphrate pour interdire l’accès des champs pétrolifères aux forces gouvernementales syriennes.
À l’étranger, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a averti que l’Afghanistan pourrait « redevenir une base pour les terroristes internationaux » en cas de retrait des quelque 12.000 soldats de l’Alliance (dont moins de la moitié sont américains).
Peu après l’intervention de Christopher Miller, sept roquettes ont visé l’ambassade américaine à Bagdad (4 ont atteint leur objectif), les milices chiites pro-iraniennes rompant ainsi plus d’un mois de trêve unilatérale pour signifier leur mécontentement. Elles exigent le retrait total des forces étrangères d’Irak au premier rang desquelles se trouvent les Américains. Toutefois, cet incident « bricolé » (le lanceur multiple installé sur une remorque a été retrouvé) serait aussi lié à l’arrestation de trois activistes des forces de mobilisation populaires dans la région de Falloujah.
En conclusion, tout change pour que rien ne change. Les présidents passent et les lobbies militaro-industriel et de renseignement restent. Ce sont eux qui sont aux manettes en matière de politique étrangère et la marge de l’exécutif reste faible. Certes, la tendance actuelle est à un certain désengagement du Proche et Moyen-Orient (et dans une moindre mesure d’Europe) pour un repositionnement contre les adversaires de demain, la Chine et la Russie. Cela dit, les forces US ont toujours la capacité d’intervenir rapidement loin de leurs bases si le besoin s’en fait sentir.
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