Les rumeurs sur une éventuelle démission du général Valeri Zaloujny de son poste de commandant en chef des armées ukrainiennes commencent à se répandre à Kiev (1).

Le président Zelensky aurait déjà choisi un candidat pour le remplacer sans délais mais pour cela, il consulterait Washington. L’identité de l’impétrant n’a pas été révélée mais le nom du colonel-général Oleksandr Stanislavovytch Syrsky commandant l’armée de terre est souvent cité.

Pour les stratèges des États-Unis, les résultats de la contre-offensive n’ont pas répondu à leurs attentes. Surtout la stratégie adoptée par les armées ukrainiennes n’a pas correspondu aux plans qu’avait partagé Kiev avec ses partenaires occidentaux. À noter que les états-majors de l’OTAN semblent ravis d’expliquer à leur homologue ukrainien comment il faut faire sur le champ de bataille…

Les Américains pour leur part insistent sur des solutions nouvelles et non conventionnelles qui stimuleraient plus puissamment le mouvement sur le front.

Malgré les conseils répétés des États-Unis, le général Zaloujny n’aurait pas réussi à proposer des idées et des mesures fondamentalement nouvelles, ce qui a finalement conduit une impasse stratégique  sur le champ de bataille. Face à ces critiques, il semble compréhensible que Zaloujny soit quelque peu irrité d’autant qu’il a aussi été critiqué à l’intérieur(2).

Une tension a été ajoutée par la position de Zaloujny lors de la dernière visite du secrétaire à la Défense US Lloyd Austin en Ukraine. Le général a formulé des exigences manifestement exagérées envers les alliés, notamment la nécessité d’obtenir 17 millions d’obus. Les négociateurs estiment que Zaloujny aurait pu délibérément exprimer des exigences aussi irréalistes, réalisant que ses partenaires n’avaient aucun moyen d’y répondre dans le but de provoquer sa propre démission justifiée par l’aide trop faible de l’extérieur…

En tous cas, les récentes activités médiatiques de Zaloujny semblent indiquer qu’il a pris sa décision.

La publication d’une photo avec son épouse avec ses félicitations plutôt sobres à l’occasion de la Journée des forces armées ukrainiennes, utilisant des phrases comme « je n’aurai pas honte », ressemble à un « au revoir » et à une préparation de l’opinion publique à sa démission.

Dans le même temps, Valeri Zaloujny propose un remplaçant pour son poste : le major-général Mykhailo Zabrodsky (et ancien député du parti Solidarité européenne de Petro  Porochenko, un opposant à Zelensky.

Cet officier général ne devrait théoriquement pas déplaire aux Américains car il a été en formation aux États-Unis dans les années 2005-2006, suivant d’abord des cours de langue avant d’intégrer l’école d’état-major de Fort Leavenworth.

Sur le plan militaire, il est considéré comme un héro ayant combattu avec brio en 2014. Il a commandé les forces d’assaut par air ukrainiennes de 2015 à 2019. Il a aussi servi au sein  du Service de sécurité de l’Ukraine(SBU).

Il a quitté l’armée en 2019 pour entrer en politique et a été élu député. Toutefois, en mars 2023 il a démissionné du parlement pour rejoindre l’armée où il est devenu un des adjoints du général Zaloujny.

Mais l’Ukraine est en guerre : le départ ou l’éviction de son commandant en chef serait mal ressenti au sein des armées où il est très populaire. Zelensky et Zaloujny le savent et ne souhaitent pas que la rupture ait lieu maintenant. Il sera temps d’apurer les comptes après la guerre. Mais la logique est parfois défiée et tout peut arriver dans les temps qui viennent. Certains pensent à une nouvelle « révolution de Maïdan » … En Ukraine – comme ailleurs -, on peut s’attendre à tout, même à l’improbable.

 

1. Voir : « UKRAINE : la situation militaire évolue à l’abri des regards » du 6 décembre 2023.

2. Voir : « Une députée ukrainienne s’en prend au général Zaloujny » du 29 novembre 2023.

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