À la mi-octobre, l'ISCAP (Province de l’État islamique en Afrique Centrale qui a succédé aux Forces démocratiques alliées, FDA ou ADF en anglais) a revendiqué deux embuscades contre des civils dans l'ouest de l'Ouganda.

Ces deux actions représentent respectivement les troisième et quatrième attaques de l’ISCAP en Ouganda depuis décembre 2022.

Ainsi, le 17 octobre, des hommes armés de l’ISCAP ont pris pour cible un véhicule de safari touristique alors qu’il traversait le parc national ougandais Queen Elizabeth situé dans l’ouest du pays. L’attaque a fait trois morts dont un couple de jeunes mariés du Royaume-Uni et d’Afrique du Sud ainsi que leur guide local.

Le lendemain l’État islamique a revendiqué l’action en ces termes :« les soldats du califat ont attaqué un véhicule qui contenait trois touristes chrétiens, dont un Britannique […] les moudjahidines les ont ciblés avec des armes automatiques qui ont entraîné leur mort et les moudjahidines ont brûlé leur véhicule ».

Dans la foulée, les autorités britanniques ont déconseillé à ses ressortissants « tout voyage, sauf essentiel, dans ce parc » frontalier de la République démocratique du Congo (RDC). Elles ont précisé : « si vous êtes actuellement dans le parc, vous devez suivre les conseils des autorités de sécurité locales. Si vous êtes en mesure de le faire en toute sécurité, vous devriez envisager de quitter la zone », soulignant que «les assaillants sont toujours en fuite». La France a également appelé ses ressortissants à être «prudents» et à «suivre les instructions des autorités locales ».

Cette embuscade dans le parc Queen Elizabeth est intervenue deux jours après que le Président ougandais, Yoweri Museveni, ait annoncé que les forces de sécurité avaient déjoué des attaques à la bombe planifiées dans des églises situées à une cinquantaine de kilomètres de la capitale Kampala.

Museveni avait alors affirmé que les forces ougandaises avaient mené en représailles des frappes aériennes contre des positions d’activistes islamiques en République démocratique du Congo mais avait prévenu que le groupe pourrait « tenter de commettre des actes terroristes aléatoires » en Ouganda en réponse à ces raids.

Le 13 octobre, des hommes armés de l’État islamique aient attaqué un camion civil qui se rendait sur un marché près de Bwera, dans le district de Kasese dans l’ouest du pays.

L’État islamique avait déjà publié un communique : « les soldats du califat ont réussi à jeter une embuscade contre les chrétiens infidèles près du village de Kinyamaseke, dans la région de Kasese ».

Avant ces deux embuscades, l’ISCAP avait déjà effectué deux raids transfrontaliers depuis l’est du Congo vers l’ouest de l’Ouganda.

Le premier, en décembre 2022, visait le district de Ntoroko, à environ 110 km au nord de Kasese, et a été rapidement neutralisé par l’armée ougandaise. Au moins 48 terroristes avaient été tués ou capturés.

En juin 2023, des combattants de l’État islamique avaient lancé un nouveau raid au sud dans la ville frontalière de Mpondwe, assassinant 37 enfants et sept adultes lors d’une attaque nocturne contre une école secondaire avant de se retirer au Congo avec plusieurs otages (1).

Tout semble indiquer aujourd’hui qu’une bande très mobile de combattants islamiques a choisi de rester en Ouganda pour y conduire des actions de guérilla plutôt que de se replier sur la RDC voisine comme cela était le cas précédemment.

Son objectif semble être de mettre en place une insurrection de faible intensité dans l’Ouest de l’Ouganda au nom de l’ISACP.

Pour mémoire, la province de l’Afrique centrale de l’État islamique (ISCAP) est l’héritage des Forces démocratiques alliées (FDA ou ADF) nées en RDC au début des années 1990.

À la fin des années 90, l’ADF a mené une insurrection transfrontalière du Congo en Ouganda, qui a fait plus de 1.000 morts et déplacé 150 000 personnes. Des unités de combattants des ADF infiltrées dans les monts Rwenzori s’en prenaient principalement aux populations civiles mais affrontaient aussi les Forces de défense populaires de l’Ouganda (UPDF).

À partir de 2014 après une offensive majeure de l’armée congolaise, les ADF ont lancé une campagne de massacres de civils congolais dans des communautés proches de leurs camps.

Cette pression a finalement conduit les ADF à prêter allégeance à Daech en octobre 2017, une relation qui leur a permis de recevoir une aide financière substantielle et de nouvelles recrues en provenance de toute l’Afrique de l’Est.

La Province de l’État islamique en Afrique Centrale couvre la RDC, l’Ouest de l’Ouganda, une partie de la Tanzanie et le Nord du Mozambique. Son « émir » est Seka Musa Baluku qui a une prime de cinq millions de dollars sur sa tête.

 

1. Voir : « Tuerie terroriste dans un lycée en Ouganda » du 20 juin 2023.

Publié le

Texte

Alain Rodier