La guerre de l’information bat son plein à propos de la guerre en Ukraine. C’est normal car elle fait partie intégrante des stratégies adoptées d’un côté par Moscou et de l’autre par Kiev et ses alliés de l’OTAN.

Ce qui fait désordre, c’est quand le même camp diverge dans ses analyses. C’est le cas actuellement sur le sujet des munitions qui, pour les uns viendraient à manquer aux forces russes dès le début 2023 alors que pour d’autres, ce n’est pas le cas.

Le chef d’état major britannique, l’Amiral Tony Radakin a déclaré le 14 décembre devant le think tank « Royal United Services Institute » (RUSI) que le Kremlin avait programmé son « opération spéciale » pour être courte dans le temps et qu’elle dépassait désormais les dix mois.
Il a précisé : « alors laissez moi vous dire que Poutine aujourd’hui ainsi que ses généraux et ministres sont probablement effrayés [par le fait ] que la Russie ait à faire face à une diminution critique de munitions d’artillerie. Cela signifie que ses capacités à conduire avec succès des opérations offensives terrestres diminuent rapidement […] Le placard est vide. Moralement, conceptuellement et physiquement, les forces russes vont en s’amenuisant ».

Plus tôt en décembre, un des principaux conseillers du président ukrainien Volodymyr Zelensky, Mykhailo Podolyak, a affirmé qu’il restait aux Russes juste assez de missiles de croisière pour « deux ou trois frappes importantes » et que les « premières livraisons de drones iraniens étaient épuisées ».
Selon Kiev, la Russie a commencé la guerre avec 900 missiles Iskander, elle en aurait tiré 829 et a produit 48 depuis février malgré les sanctions économiques.

Washington tient le même discours affirmant que les Russes pourraient se trouver à court de munitions dans les mois qui viennent les obligeant à en utiliser en mode dégradé, c’est-à-dire en utilisant des stocks vieux de quarante ans et plus. Cela risque de poser des problèmes techniques importants comme des longs feux (coup qui ne part pas), des munitions qui n’explosent pas à l’impact et une mauvaise précision pour les armes guidées.

Et pourtant, la Russie continue à matraquer les infrastructures ukrainiennes privant le pays de la moitié de ses capacités énergétiques.

Or, le colonel Margo Grosberg, le chef du renseignement militaire estonien déclare de son côté : « peu importe quelles sont leurs capacités d’augmentation de production de munitions, les simples mathématiques nous disent qu’ils en ont encore à peu près dix millions de réserve. Ils peuvent en fabriquer plus de 3,4 millions par an, ce qui signifie qu’ils en ont assez pour au moins une année (de guerre) supplémentaire ».
Il poursuit : « aussi triste que cela soit à dire, il n’y a pas de signe d’une fin rapide de cette guerre ».
Pour appuyer ses propos, il fait parler les chiffres : « les Russes ont perdu 1.400 chars depuis le 24 février, ils en ont 9.000 en réserve. Toujours selon un calcul mathématique, si seulement un tiers est opérationnel, ce sont 3.000 chars qui peuvent être engagés (NdA : début décembre, de nombreux chars T-90 flambants neufs ont été observés se dirigeant vers l’Ukraine).

Si 500 pièces d’artillerie ont été détruites, cela représente dix pour cent des stocks russes. Le colonel reconnaît qu’ils ne sont plus tout neufs mais ils peuvent encore avoir une grande efficacité sur le terrain.
Si 100.000 militaires Russes ont été mis hors de combat (tués, blessés ou fait prisonniers), 200.000 se préparent à être engagés (NdA : selon le président Poutine, 150.000 auraient terminé leur formation).

Ces divergences d’analyse partent des mêmes chiffres. Ce qui est intéressant, c’est de constater que les uns ont une vue optimiste de l’avenir et d’autres, plus mesurée au moins à court terme.

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Texte

Alain Rodier

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