Face à la criminalité organisée qui considère la guerre en Ukraine et, surtout les suites économiques du rétablissement d’une sorte de « rideau de fer », comme une opportunité pour développer ses activités - trafics divers dont celui de drogues, d’êtres humains, contrebande, contrefaçons, etc. -, l’Europe a décidé de réagir. L’erreur qui avait été faite après les attentats du 11 septembre 2001 d’affecter de nombreux policiers et d’Agents du FBI au contre-terrorisme en délaissant la lutte contre le crime organisé (qui n’en demandait pas tant) n’a pas été refaite.

Ce n’est pas parce que les pays occidentaux focalisent aujourd’hui sur la menace russe et ses réseaux de renseignement qu’il faut se désintéresser des organisations criminelles.

Une opération internationale engageant les services de police et de justice de onze pays européens et de Dubaï a eu lieu en novembre, entraînant une centaine de perquisitions et l’arrestation de 49 individus. Les leaders du crime organisés étaient particulièrement visés mais également leurs associés (qui n’appartiennent pas stricto sensu à la criminalité mais qui sont ses clients, particulièrement dans le domaine du blanchiment de l’argent sale tiré des différents trafics).

Selon Europol épaulé par Eurojust qui était à la manœuvre, cette opération policière appelée « Desert Light » aurait permis de démanteler un « super-cartel » de la drogue qui contrôlait environ un tiers du trafic de cocaïne en Europe, et d’arrêter 49 suspects dans divers pays dont six d’importance à Dubaï.
Elle a permis en outre la saisie de 30 tonnes de cocaïne qui provenait essentiellement d’Amérique latine – lieu principal de production – et transitait par les ports de Rotterdam et Anvers.
Europol précise : « les barons de la drogue […] s’étaient alliés pour constituer ce qui était connu comme un ‘super-cartel’ qui contrôlait environ un tiers du commerce de la cocaïne en Europe ». Cela signifie que ce consortium de groupes criminels s’étaient réunis pour assurer l’ensemble des activités (hors production) depuis le transport jusqu’à la distribution en Europe.
Fait intéressant, six arrestations ont eu lieu à Dubaï qui devenait peu à peu la zone refuge des caïds. Parmi les personnes interpelées, deux Belgo-Marocains âgés d’une quarantaine d’années, soupçonnés de diriger depuis Dubaï un réseau d’importation de trafic de cocaïne pour le marché français. Ils devraient être extradés vers la France.
Le parquet néerlandais a indiqué qu’il allait demander aux Émirats arabes unis l’extradition des deux suspects liés aux Pays-Bas. L’un est un homme âgé de 37 ans a la double nationalité néerlandaise et marocaine. L’autre suspect néerlandais arrêté à Dubaï est un homme âgé de 40 ans qui a également la nationalité bosniaque. Les deux suspects néerlandais sont présumés liés à Ridouan Taghi, arrêté à Dubaï en 2019 et actuellement jugé aux Pays-Bas, a ajouté cette source.
Taghi est présumé avoir géré un énorme réseau de trafic de cocaïne basé à Amsterdam et fait face à plusieurs accusations, en particulier de meurtre (1).
Les suspects néerlandais sont soupçonnés d’avoir formé une alliance à Dubaï avec les chefs de gangs irlandais et italien qui ont également été arrêtés, selon la télévision publique néerlandaise NOS.

Treize personnes ont été arrêtées en Espagne à Barcelone, Madrid et Malaga, neuf en France sur la Côte d’Azur dont un Russe et un Lituanien (sur la Côte d’Azur) Ces deux hommes sont soupçonnés d’être des décideurs d’un très important trafic de cocaïne et de cannabis vers la Russie, et dix en Belgique.

Quatorze personnes avaient été arrêtées en 2021 aux Pays-Bas dans le cadre de la même enquête(1).
Après une tentative d’arrestation en Espagne, le chef de ce trafic, un Britannique, s’était enfui à Dubaï d’où il continuait à diriger les opérations. La cocaïne provenait du Panama et son fournisseur, un Panaméen, vivait également à Dubaï.

Toutes ces arrestations interviennent après l’opération « Sky ECC » qui a amené le démantèlement début 2021 d’un réseau de communication crypté, utilisé par des organisations criminelles avec une application et des téléphones sécurisés commercialisés par une société canadienne, Sky Global (2).
Un millier d’arrestations avaient déjà eu lieu dans la foulée.

En fait, depuis deux ans, les partenaires tchèques, lettons, français, allemands, polonais, norvégiens, slovaques, hongrois, espagnols et américains ont été sollicités sous la coordination d’Europol et d’Eurojust.

1. Voir : « On reparle des mafias en Europe du Nord » du 29 septembre 2022.
2. Voir : « Vaste coup de filet dans le monde criminel » du 14 juin 2021.

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Texte

Alain Rodier

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