Des forces spéciales américaines ont mené un raid héliporté dans la nuit du 2 au 3 février sur un petit immeuble de deux étages située à proximité du village d’Atmé dans la région d’Idlib au nord-ouest de la Syrie afin de neutraliser l’émir de Daech, Abou Ibrahim al-Hachimi al-Qourachi(1).
La région où se trouve Atmeh est, en théorie, sous contrôle turc les forces légalistes syriennes n’étant jamais parvenues à la reconquérir. Plusieurs groupes jihadistes y sont implantés dont le Hayat Tahrir al-Cham (HTC, Organisation de Libération du Levant qui a fait défection d’Al-Qaida) et le Tanzim Hurras ad-Din (les Gardiens de la Religion resté fidèle à Ayman al-Zawahiri). Ils sont théoriquement tous les deux hostiles à Daesh. Et pourtant, c’est là qu’al-Qourachi, le successeur d’ Ibrahim Awwad Ibrahim Ali al-Badri al-Samarraï alias al-Baghdadi, se cachait comme l’avait fait son prédécesseur. Ce dernier avait fini par être tué par un commando de la Force Delta US dans la nuit du 26 au 27 octobre 2019 dans une maison de Baricha située à une vingtaine de kilomètres de là.…
Pour le Pentagone, « la mission a été un succès » car il n’y a pas eu victimes parmi les forces américaines même si un hélicoptère a dû se poser en catastrophe suite à un incident technique. Il a ensuite été détruit par l’aviation. Qourachi aurait été localisé dans se famille il y a de longues semaines ce qui a laissé le temps aux forces spéciales américaines de soigneusement préparer la mission. Il aurait été décidé d’encercler l’immeuble, de faire sortir la famille logeant au rez-de-chaussée qui n’était au courant de rien et de proposer à Qourachi qui vivait au second et à son lieutenant résidant au premier de se rendre. Après des échanges de tirs, l’émir de Daech a préféré se faire exploser que de se rendre. Selon Washington, il y aurait eu au moins neuf tués du côté des terroristes dont une femme et deux enfants (peut-être la famille de l’émir). Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), le chiffre serait plus élevé (13). Qourachi a été identifié par ses empreintes digitales et son ADN.
Cette opération est intervenue quelques jours après la fin d’un assaut de Daech contre une prison tenue par les Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes(2), dans la région de Hassaké (nord-est) et une attaque contre un poste fortifié en Irak.
Mais des questions se posent. L’immeuble où a eu lieu l’opération américaine se trouve à environ 200 mètres de points de contrôle du HTC, à 500 mètre d’un poste de police turc et à un kilomètre d’un poste militaire turc. Il semble que personne ne soit intervenu durant les deux heures qu’on duré l’action.
Enfin, Qourachi qui ne s’était jamais exprimé directement depuis qu’il était à la tête de Daech s’était toujours montré extrêmement discret.
Il est logique d’en déduire qu’il y a eu une sorte de pacte – au minimum de « non intervention » – entre toutes les parties présentes sur zone voir une coopération au moins dans le domaine du renseignement. Si c’est le cas, le HTC qui a appartenu à Daech jusqu’en 2016 puis à Al-Qaida jusqu’en 2019 est en train de gagner une « légitimité » auprès des Américains (il l’a déjà auprès des Turcs).
1. dont le vrai nom est Mohammed Abdul Rahman al-Mawli al-Salbi.
2. Voir : « SYRIE. Attaque de la prison d’Hassaké» du 20 janvier 2022.
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