Cela fait des mois que la mer sert de lieu de conflit indirect entre Israël et l’Iran via des attaques majoritairement de basse intensité non revendiquée de navires dépendant de l’un ou de l’autre pays. Un pas vient d’être franchi avec des manœuvres navales importantes.

Depuis, des années, l’Iran se livre à des manœuvres navales spectaculaires surtout à but de propagande intérieure.
Ainsi, du 7 au 9 novembre, Téhéran a mené de grandes manœuvres hybrides (principalement maritimes mais avec des composantes terrestres et aériennes) appelées « Zolfaqar-1400 » qui couvraient une zone allant du détroit d’Ormuz à l’océan Indien en passant par la mer Rouge.

Téhéran a même déployé le long du golfe d’Oman des unités d’infanterie, blindées, mécanisées ainsi que de l’aviation. Le contre-amiral Mohammad Moussavi, le porte-parole pour ces manœuvres, a déclaré à la télévision : « L’exercice militaire sur la côte iranienne du golfe d’Oman a pour but de montrer la puissance militaire du pays et sa volonté d’affronter nos ennemis ».

L’Iran avait déjà montré en octobre ses capacités militaires dans le détroit d’Ormuz, les gardiens de la révolution assurant avoir empêché une tentative américaine de s’emparer d’un pétrolier chargé de combustible iranien. Ces faits ont été démentis par Washington mais les vidéos prises montrent que les marins des deux pays n’ont jamais été aussi près….

Israël qui s’est rapproché de certains pays arabe via les accords Abraham signés en 2020(1) saisit là une opportunité de renvoyer la pareille à Téhéran. A savoir que l’Etat hébreu sous la houlette des États-Unis a mené à son tour des manœuvres navales de cinq jours en Mer rouge avec le Bahreïn et les Émirats arabes unis.
Les exercices maritimes ont débuté le 10 novembre et visent à renforcer la coopération sécuritaire.

Le vice-amiral Charles Bradford « Brad » Cooper II, le chef du Commandement central des forces navales américaines (NAVCENT), la Vè Flotte et les Forces combinées maritimes (CMF) a déclaré à cette occasion : « il est passionnant de voir les forces américaines s’entraîner avec des partenaires régionaux pour améliorer nos capacités collectives de sécurité maritime […] la collaboration maritime aide à préserver la liberté de navigation et les flux libres commerciaux, qui sont essentiels pour la stabilité et la sécurité régionales ». Il faut se souvenir que 8% du commerce maritime mondial transite par le canal de Suez puis la mer Rouge. Un responsable israélien veut aller plus loin en soulignant que ces manœuvres sont destinées à « accroître notre coopération et la sécurité en mer, et pas simplement en mer Rouge, car nous sommes aux prises avec le terrorisme de l’Iran qui s’est manifesté il y a quelques mois avec le Mercer Street(2) ».

Les deux ennemis se renvoient verbalement la balle. Le brigadier général Amir Ali Hajizadeh commandant la force aérospatiale des Gardiens de la Révolution islamique a déclaré le 11 novembre : « Les Israéliens peuvent déclencher [une attaque contre l’Iran] mais c’est nous qui déciderons de son issue […] toute erreur commise par Israël mènerait à sa destruction ».
Téhéran accuse régulièrement l’État hébreu de saboter ses pétroliers en Méditerranée ou en mer Rouge(3). En avril dernier, un porte-conteneurs iranien a été endommagé par un engin explosif. En mai, c’est un incendie causé par une attaque de drones qui a tué trois membres de l’équipage d’un pétrolier iranien au large des côtes syriennes. Le 1er juin, le plus important pétrolier ravitailleurs de la marine de guerre iranienne, le Kharg 431 avait été coulé après un incendie catastrophique dans le Golfe d’Oman. Rien n’avait pu imputer cette action aux Israéliens.

Ces manœuvres navales des deux ennemis visent – entre autres – à accroître leur pression l’un sur l’autre à la veille de la reprise le 29 novembre des négociations portant sur le nucléaire iranien. Les Israéliens refusent catégoriquement qu’un accord soit signé.

1. Les relations ont été normalisées en septembre 2020 entre Tel-Aviv, Abu Dhabi et Manama.
2. L’Iran est soupçonné par Israël, les États-Unis et le Royaume-Uni d’avoir attaqué à l’aide d’un drone en juillet 2021 en mer d’Oman le navire Mercer Street géré par un milliardaire israélien. Les autorités iraniennes démentent toute implication dans cette action qui a tué deux personnes.
3. Voir « La guerre secrète navale Iran-Israël franchit un cap » du 2 août 2021.

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Texte

Alain Rodier

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