Deux membres d’équipage du navire « MV Mercer Street » battant pavillon libérien mais géré par la compagnie israélienne Zodiac Maritime d’Eyal Ofer basée à Londres (le navire serait la propriété d’un groupe japonais) ont été tués lors d’une attaque survenue le 29 juillet en mer d’Arabie au nord-est de l’île de Masirah (à 280 kilomètres au large du sultanat d’Oman).

Les deux victimes sont le capitaine de nationalité roumaine et un agent de sécurité britannique de la société Ambrey. Le pétrolier naviguait à vide de Dar es Salaam en Tanzanie à Fujaïrah aux Émirats arabes unis. La mer d’Oman, ou mer d’Arabie, est située entre l’Iran et Oman, à la sortie du stratégique détroit d’Ormuz.

Selon des déclarations officieuses israéliennes, le navire aurait été l’objet de l’attaque de deux drones, l’un s’abîmant en mer et l’autre frappant le pont. Les Israéliens pensent que ces engins étaient des drones suicide « Shahed 136 » présentés en 2020 en Iran qui auraient une portée maximale de 2.200 kilomètres. Les rebelles houthis du Yémen auraient reçu des exemplaires de ces drones depuis peu mais c’est géographiquement le territoire iranien qui est le mieux placé pour avoir perpétré cette attaque. Les Israéliens comme les Britanniques et les Américains semblent persuadés de la réalité de cette hypothèse.

Suite à cette attaque, deux navires de l’US Navy de la Vè Flotte ont escorté le Mercer Street jusqu’au port d’Abou Dabi, aux Émirats arabes unis.
Israël a décidé de porter l’affaire devant l’ONU pointant du doigt Téhéran. Depuis le début de cette année, on compte au moins quatre attaques confirmés de navires liés à Israël dans la région : le « Helios Ray », l’« Hyperion Ray », le « Lori » et le « CSAV Tyndall » respectivement dans le golfe Persique, en océan Indien et en mer d’Oman (1).

Plusieurs navires iraniens ont aussi été attaqués, dont des porte-conteneurs faisant la liaison avec la Syrie, ainsi que des navires utilisés par les Gardiens de la Révolution. Qui plus est, le récent naufrage, un navire ravitailleur de la marine iranienne (2), a posé la question d’une éventuelle implication israélienne.

La différence réside dans le fait que jusqu’à maintenant, il n’y avait pas eu de « mort d’homme ». Ce fait marque un échelon supplémentaire dans la guerre secrète que se livrent l’Iran et l’État d’Israël. Ce denier souhaite surtout que les États-Unis ne renouent pas les négociations JCPOA concernant le nucléaire iranien conclus en 2015 mais rompus par le président Donald Trump en 2018.

Dans le domaine de la guerre secrète globale qui oppose les deux pays, Israël a indubitablement l’avantage effectuant des opérations « homo » (meurtres) et « arma » (sabotages) sur le territoire iranien. Le seul endroit où Téhéran – complètement frustré par cette impuissance – peut donner la réplique reste la mer.

Plus généralement, il n’y a pour le moment aucune solution envisageable pour apaiser les tensions entre les deux États. L’espoir de l’effondrement du régime des mollahs de l’intérieur est illusoire même si les mécontentements sont nombreux, en particulier suite au manque d’eau dû à la sécheresse durement ressentie par des populations rurales. Même l’ayatollah Ali Khamenei s’est inquiété du problème et a demandé de tout faire pour suppléer aux besoins des Iraniens. Aucun conflit généralisé n’est envisageable alors que les Américains concentrent leurs efforts sur l’Extrême-Orient et secondairement sur la Russie. Israël peut effectuer des frappes aériennes ponctuelles sur des objectifs repérés en Iran mais quid de la suite sans compter que les représailles de Téhéran contre les intérêts israéliens de par le monde peuvent être importantes ?

De plus, une telle intervention provoquerait une réaction hostile à l’État hébreu – dépassant les « accord d’Abraham » concocté par les dirigeants – dans la « rue arabe » même si elle n’a aucune sympathie pour les chiites. Cette situation de conflit larvé va donc perdurer. Aucun responsable politique, qu’il soit américain ou européen, ne semble se rendre compte que la politique des sanctions ne fonctionne pas (3). Elle renforce même les pays objets de ces mesures coercitives. Ces dernier finissent d’ailleurs par devenir autosuffisants ou se tournent vers d’autres fournisseurs.

1. Lire aussi « Guerre sous-marine au Proche Orient » du 20 mai 2021
2. Lire aussi « Iran : un ravitailleur de la Marine coulé ».
3. En réalité, les responsables politiques occidentaux le savent pertinemment. Mais ce qui compte pour eux, ce n’est pas l’efficacité à l’international mais se faire réélire. D’où des déclarations à la « Matamore » destinées à présenter un visage « énergique » à leurs électeurs.

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Texte

Alain Rodier

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