L’Iran a connu le 26 octobre une panne générale d’approvisionnement en carburant de ses stations services qui sont connectées à un réseau informatique centralisé. Selon le Conseil suprême de la sécurité, cela serait la conséquence d’une attaque informatique de grande ampleur.

« Le Conseil suprême de la sécurité nationale a confirmé qu’il s’agissait d’une cyberattaque contre le système informatique de distribution du carburant […] Les détails de l’attaque et son origine font l’objet d’une enquête » a déclaré la télévision iranienne.

À Téhéran, les techniciens du ministère du pétrole ont désactivé le système informatique de quelques stations-service afin d’être en mesure de distribuer le carburant manuellement. Une trentaine de camions citerne ont été déployés dans la capitale. Mais l’ensemble de ces initiatives est totalement insuffisant pour répondre à la demande des usagers dont l’exaspération va croissant.

D’ailleurs, l’agence de presse Fars a rapproché cette « panne » de l’anniversaire du 15 novembre 2019, date à laquelle de nombreuses manifestations violentes avaient éclaté dans le pays faisant plusieurs centaines de morts après l’annonce d’une hausse soudaine du prix des carburants.

Selon certaines informations des panneaux publicitaires numériques installés le long des routes ont été piratés. Ils affichent hostiles au régime comme « Khamenei ! Où est notre essence ? ». Le régime a pris la précaution d’immédiatement diffuser le message comme quoi le gouvernement n’avait pas l’intention d’augmenter les prix à la pompe.

La question qui se pose est : qui est derrière celle attaque informatique qui a de fortes répercutions sur la population iranienne qui semble désormais directement visée par des opérations d’influence ?

Le 7 juillet, c’était le système ferroviaire iranien avait été ciblé par une cyberattaque qui l’avait complètement désorganisé pendant plusieurs jours. Une société privée de sécurité informatique israélo-américaine, la Check Point Software Technologies, avait conclu qu’un mouvement d’opposition iranien avait vraisemblablement été à la base de cette opération en employant le groupe de hackers appelé « Indra » (le dieu de la guerre dans la mythologie hindoue).

Il n’en reste pas moins que s’il s’agit d’un groupe d’opposition, il est connu qu’en dehors de quelques guérillas séparatistes locales, les 35 partis d’opposition répertoriés (dont les plus connus sont les moudjahiddines du peuple iranien, les monarchistes, le Front national et le parti Tudeh) ont tous leurs bases arrières en Occident en général et aux États-Unis en particulier où ils sont étroitement encadrés par des ONG américaines financées pour une grande partie par le Sénat. Il y a longtemps que Washington (aidé par Israël) se sert ainsi de ces mouvances pour tenter de déstabiliser de l’intérieur le pouvoir en place à Téhéran sans apparaître directement.

Mais parfois, point d’intermédiaires. En septembre 2010, le virus Stuxnet avait frappé le programme nucléaire iranien, détruisant nombre de centrifugeuses utilisées pour l’enrichissement de l’uranium.
En mai 2020, le Washington Post avait fait état d’une cyberattaque israélienne contre l’un des ports de Bandar-Abbas en réponse à une attaque informatique menée contre des installations hydrauliques civiles en Israël.

Ce qui est également étrange, c’est que le jour même de cette attaque informatique, l’Iran organisait une rencontre des pays voisins de l’Afghanistan à Téhéran réunissant les ministres des Affaires étrangères d’Ouzbékistan, du Pakistan, du Turkménistan et du Tadjikistan. Leurs homologues russe et chinois devaient participer à ce au sommet virtuellement.

Israël est en guerre avec le régime iranien. Il est appuyé en cela par les États-Unis mais, pour le moment, la Maison Blanche veut que ce conflit reste de basse intensité car une action offensive directe contre le territoire iranien pourrait provoquer des réactions imprévisibles. L’État hébreu se « contente » donc de mener des opérations clandestines en Iran : sabotages d’installations sensibles s’étant étendues au domaine civil, assassinats ciblés de scientifiques liés au programme nucléaire et balistique, etc.

À l’extérieur, les bombardements de cibles iraniennes (ou dépendant de Téhéran) sont quasi quotidiens en Syrie. Mais le rêve des deux alliés est que le régime soit renversé de l’intérieur par sa propre population exaspérée par la mauvaise situation économique handicapée par les sanctions et les conditions climatiques exceptionnelles (la terrible sécheresse qui affecte cette année le nord-est de l’Iran et nuit à la production agricole). Les sabotages pouvant irriter un peu plus le peuple qui pourrait se retourner alors contre le gouvernement des mollahs peuvent constituer un « petit plus » à cette politique d’influence. Cela dit, même les officiels à Téhéran admettent qu’ils ne peuvent encore attribuer qui a été à l’origine de cette dernière panne…

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Texte

Alain Rodier

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