Les services spéciaux pakistanais traînent une lourde réputation derrière eux. Ils ont participé directement à la guerre contre les Soviétiques qui avaient envahi l’Afghanistan en 1979. Pour cela, ils ont soutenu toutes sortes de moudjahiddines dont les islamistes radicaux qui formeront ultérieurement l’ossature d’Al-Qaida « canal historique ». Avec l’Arabie saoudite, ce sont eux qui ont construit Ben Laden à travers le MAK (le bureau d’aide au recrutement - Maktab al-Khadamāt - d’Abdullah Azzam).

Ils sont en soutien direct des taliban depuis leur apparition au début des années 1990 car ils souhaitent bénéficier du territoire afghan comme un espace stratégique lors d’un conflit déclenché contre l’Inde.

Ils ont d’ailleurs aidé des mouvements séparatistes indiens pour lancer des opérations terroristes chez leur grand ennemi voisin mais aussi détenteur de l’arme atomique – ce qui décourage de lancer toute opération militaire de grande envergure -. Conscient de ce fait, les gouvernements qui se succèdent à Islamabad tentent de nouer des relations bilatérales plus apaisées avec New Delhi

Par ailleurs, ayant des intérêts communs, ils jouent au chat et à la sourie avec les Chinois tout en continuant à s’impliquer au Moyen-Orient, en particulier aux côtés de l’Arabie saoudite mais aussi auprès des Émirats Arabes Unis et dans une bien moindre mesure auprès du Qatar. Ils se voient en leader du monde musulman sunnite mais ils entretiennent de bonnes relations avec le voisin iranien.

Enfin, ce sont des alliés des États-Unis mais avec de telles défiances de par et d’autre que les observateurs peuvent sérieusement douter de la sincérité des deux partis. Il est difficile d’imaginer que l’ISI a pu ignorer la présence d’Oussama Ben Laden à Abbottabad dans une maison située à quelques encablures de l’Académie militaire jusqu’à sa neutralisation par un commando de Seals américains le 2 mai 2011.

L’homme qui dirige l’ISI doit donc être un « fidèle parmi les fidèles » du régime et ne pas trop s’embarrasser de considérations morales qui pourraient constituer un frein à ses actions.

Le 6 octobre, le lieutenant général Nadeem Anjum – un proche du chef des armées, le général Qamar Javed Bajwa – a été nommé à leur tête en remplacement du lieutenant général Faiz Hameed qui était en place depuis 2019. Ce dernier dont la visite récente du 2 octobre à Kaboul avait posé question sur l’implication de l’ISI dans la formation du gouvernement taléb, a été muté à la tête du XIè Corps d’Armée à Peshawar (qui contrôle la frontière nord de l’Afghanistan).

Le nouveau directeur général est issu de la 78è promotion de l’Académie militaire du Pakistan (Kakul), diplômé du Collège Royal des études de la défense du Royaume Uni, il a aussi été stagiaire au Centre Asie-Pacifique pour les études de sécurité (APCSS) d’Honolulu. Le général Anjum appartient à l’origine au régiment du Punjab puis il a commandé une brigade dans le district de Kurram, le Vè Corps d’Armée (Karachi) puis le collège de commandement et d’état major à Quetta.

Considéré comme un soldat « endurci au combat » ayant participé à plusieurs campagnes dans la région du Baloutchistan (il a été l’inspecteur général du XIIè Corps d’Armée au Baloutchistan). Il a déjà servi deux ans et demi au sein de l’ISI comme chef de la sécurité intérieure.

Ses subordonnés disent de lui que c’est un homme « au cœur de glace mais aux réflexes tranchants ».

 

Publié le