Selon le New York Times, un message a été adressé à tous les postes de la CIA à l’étranger s’inquiétant de nombre trop important d’Agents de renseignement(1) qui ont été tués ou arrêtés.

Le fait n’est pas nouveau. À titre d’exemple, en janvier 2018, Jerry Chun Shing Lee alias Zhen Cheng Li, un ancien officier de la CIA âgé alors de 53 ans avait été arrêté par le FBI lors de son arrivée à l’aéroport international John F. Kennedy pour détention illégale d’informations concernant la défense nationale. Naturalisé américain, il avait servi dans l’armée avant d’être recruté comme officier traitant (OT) par la CIA en 1994. Il en était parti en 2007 car il pensait ne plus avoir de perspectives de carrière. Il aurait été en poste en Chine. Depuis sa retraite, il résidait à Hong-Kong où il travaillait pour une importante société de ventes aux enchères.

Or, dans les années 2010, le contre-espionnage chinois était parvenu à identifier puis à neutraliser en deux ans une vingtaine d’agents de renseignement autochtones travaillant pour la CIA. Une douzaine auraient même été tués. L’un d’eux, un fonctionnaire de haut niveau, aurait été abattu pour l’exemple devant ses collègues au sein du ministère dans lequel il travaillait. La chute de ce réseau avait été considérée comme un des plus graves revers qu’ait connu la centrale américaine depuis des années et pourrait être lié au cas évoqué ci-avant.

Mais il semble que les pertes d’Agents de renseignement se soient poursuivies, particulièrement en Chine et en Iran. Même si d’autres cas de fonctionnaires accusés d’avoir travaillé pour la Chine ont été dévoilé en 2017 comme ce Kevin Patrick Mallory, un retraité de la CIA et Candace Marie Clairborne, une ancienne employée du département d’État, cela n’explique pas tout (il y en a eu bien d’autres).

Selon ce message dont le NYT aurait eu connaissance, ce sont encore des douzaines d’Agents qui auraient été arrêtés, tués, compromis ou retournés ces dernières années.
Cela proviendrait de la gestion des sources humaines qui ne serait pas assez sûre. Des recrutements rapides, une trop grande confiance accordée aux Agents, des promotions imméritées dans leurs fonctions en raison de « coups de pouce » donnés, sont des processus qui devraient être modifiés.

Un paragraphe de ce message parle également que des OT sont souvent évalués sur le nombre de recrutement qu’ils effectuent, peu importe si la source est rentable ou pas. De plus, personne n’est vraiment jugé responsable lorsqu’une source disparaît. Il faut reconnaître que dans la majorité des cas, la source arrête de travailler pour un service étranger pour des raisons personnelles tout à fait normales : départ à la retraite, changement d’affectation, maladie, etc.

Des recommandations sont faites pour effectuer des vérifications plus approfondies et plus strictes lors de la période d’environnement et d’approche. Il est aussi demandé d’essayer d’avoir connaissance des fuites de renseignements pouvant avoir lieu vers les services adverses afin de détecter les agents doubles.

La guerre de l’espionnage continue comme avant même si des bouleversements ont eu lieu, surtout dans le domaine de la technologie. En ce qui concerne le « matériel » humain, lui n’a pas beaucoup évolué et le vieux sigle MICE (Monnaie, Idéologie, Compromission, Ego) fonctionne encore même s’il a été rajeuni.

En face de ces Agents de renseignement, les services de contre-espionnage ont toute leur importance même s’ils ont été un temps très accaparé par le contre-terrorisme. Sans perdre de vue cette mission, il semble que les services sont revenus à des fondamentaux car la fin de la Guerre froide n’a rien calmé dans le domaine du renseignement, bien au contraire. Les acteurs et les périls se sont multipliés, la situation est devenue beaucoup plus imprévisible et l’incertitude est devenue la règle. Les décideurs politiques ont besoin, plus que jamais, d’éclairages différents et, si possible, de connaître le dessous des cartes.

1. Un « Agent de renseignement » est une personne extérieure au service mais qui est rémunérée clandestinement pour les informations qu’elle collecte pour le compte de son « Officier Traitant » (OT). Ce dernier est lui, un fonctionnaire. On parle aussi de « source humaine ». Si la personne qui fournit les renseignements le fait bénévolement, c’est alors un « Honorable Correspondant » (HC).

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Texte

Alain Rodier

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